ENTRETIEN Roland Coutanceau, psychiatre

« L’idée de créer des centres de désendoctrinement pour des djihadistes n’est pas sotte. On peut tenter de les déprogrammer, comme on le fait pour les membres de sectes. L’analogie avec les sectes n’est pas totale, mais ce sont les mêmes mécanismes. Avec ces jeunes qui partent ou qui veulent partir en Syrie, on a affaire à une croyance à laquelle le sujet adhère de façon jusqu’au boutiste. C’est une manipulation réussie et dangereuse. Elle fait de celui qui y croit un être instrumentalisé.

> Lire aussi : Comment « désendoctriner » les jeunes tentés par le djihad ?

Pour le « psy », cela se travaille de façon rationnelle. Il s’agit de convaincre des personnes qui ont une croyance inébranlable, des croyants non-critiques, de douter un peu. Une croyance extrême est une drogue dure, dangereuse, destructrice et barbare. L’antidote, c’est le doute, la réflexion, l’esprit critique. On sait faire. Mais on n’a pas de garantie de réussite absolue. Plus on prend les gens tôt, plus on a de chances de pouvoir les déprogrammer.

« IL VAUT MIEUX QUE CELUI QUE L’ON VA SOIGNER SOIT D’ACCORD »
Cela dépend aussi du degré d’adhésion à l’idéologie radicale. Il y a des personnes « poreuses », chez qui il y a un certain flottement de l’imaginaire, comme cette jeune fille qui voulait partir en Syrie. Elle a été arrêtée à Lyon par un copain qui l’a dessillée. Après, il y a des exaltés, des idéalistes passionnés. Au sens clinique du terme, ils ont une trop grande adhésion idéaliste. Ils font une fixation sur une idéologie radicale. Plus vous avez cette croyance inébranlable, qui est organisée, plus la déprogrammation sera difficile.

> Lire aussi : Radicalisation islamiste, un premier centre de prévention créé en France

Si on parle par exemple du jeune Normand qui a fait l’actualité ces derniers jours, quand bien même on le récupérerait, je pense qu’il serait difficilement déprogrammable. Après, d’un point de vue pragmatique, se posent un certain nombre de problèmes. Comment on dépiste ces jeunes ? Comment on va les chercher ? Comment on les contraint à venir dans un centre de déprogrammation ? C’est comme pour les injonctions de soin : il vaut mieux que celui que l’on va soigner soit d’accord. »

Recueilli par Pascal Charrier