Un an de sursis a été requis à l’encontre d’une kinésithérapeute, exerçant à Paris, soupçonné d'”abus de faiblesse” sur plusieurs patientes, en leur instillant des faux souvenirs notamment. Elle aurait aussi profité de son emprise pour leur soutirer de l’argent.

Le parquet a mis en évidence “un lien de soumission”. Depuis lundi, Marie-Catherine Phanekham, kinésithérapeute, est jugée devant le tribunal correctionnel de Paris pour “abus de faiblesse” sur plusieurs patientes. A coup de “faux souvenirs induits”, la praticienne aurait réussi à soutirer d’importantes sommes d’argent à ses victimes.

Pour ces faits, le parquet a requis un an de prison avec sursis à son encontre, ainsi que 20.000 euros d’amende. Une peine assortie d’une mise à l’épreuve avec obligation d’indemniser ses victimes et d’une interdiction d’exercer pendant cinq ans.

Depuis lundi, les témoignages des victimes devant le tribunal se succèdent et rapportent toujours les mêmes faits. La kinésithérapeute leur aurait induit de faux souvenirs, notamment des abus sexuels qu’elles auraient subis de la part de leur père pendant leur enfance. A chaque fois, le scénario était le même: les victimes rompaient avec leur entourage. Certaines ont également versé d’importantes sommes d’argent à la praticienne, parfois jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Ce que nie formellement la prévenue.

Les parents d’une patiente de Marie-Catherine Phanekham ont fait part de leur désarroi depuis la perte de tout lien avec leur fille métamorphosée, tombée “sous emprise”. “Depuis 13 ans nous ne voyons plus notre fille”, déplore la mère, à la barre du tribunal correctionnel de Paris. Après de brillantes études et des postes importants, au début des années 2000, sa fille, prénommée Florence, commence à consulter la thérapeute, dont elle n’avait de cesse de vanter ses qualités. Peu à peu, elle fait le vide autour d’elle, rompt avec ses amis, ses parents.

Un jour au restaurant, en plein milieu du repas, “elle s’est mise à hurler”, se plaint d’avoir été “privée d’amour”, s’en prend à sa famille “épouvantable”, critique ses grands-parents, des êtres “méprisables”, explique sa mère. “Personne n’avait plus grâce à ses yeux. Elle a fait un esclandre et elle est partie.”
Florence ira jusqu’à accuser sa mère d’avoir pris part à un réseau pédophile et de l’avoir livrée à des orgies dans une ferme du nord de la France. Elle avait aussi parlé de sacrifices d’enfants, d’avortements forcés, de magie noire, et attribué à sa mère des relations qui lui permettaient de manipuler, sinon la justice, à tout le moins la police et les experts.

{{750.000 euros en liquide}}

Comment l’expliquer? “Je pense qu’elle est tombée dans une parano…” souffle sa mère. Tout en le craignant, elle espérait revoir sa fille à l’audience. Mais Florence n’est pas venue. Partie civile sans se considérer comme victime, celle-ci est représentée par son avocate. Si elle a retiré quelque 750.000 euros en liquide, issus de la vente de stock-options, elle a assuré qu’elle n’avait pas remis cette somme à sa thérapeute.

“J’ai perdu ma fille, je ne sais plus où elle est”, déplore son père.
A l’une de ses amies, qu’elle connaissait depuis la sixième, Florence avait envoyé un courriel de rupture, l’accusant alors d’être une “personne moche de l’intérieur”. “C’était excessivement brutal”, a-t-elle témoigné. Une autre, qui la considérait comme une sœur, avec qui elle avait passé toutes ses vacances pendant leur enfance, raconte s’être retrouvée face à quelqu’un qu’elle ne reconnaissait plus: “Elle m’a dit des choses qui pour moi n’étaient pas elle.” Alors que son amie allaitait sa fille, elle reprochait à sa propre mère de ne pas l’avoir fait. “Renseignement pris, sa mère l’a allaitée”, précise-t-elle.

Quand sa grand-mère, “pilier” de la famille, est morte, elle n’était pas là, ajoute-t-elle, des larmes dans la voix.
“Diaboliser l’entourage”

Au cœur de ce procès, les “faux souvenirs induits”, des traumatismes prétendument subis pendant l’enfance. Cette “techniques de manipulation”, dénominateur commun chez les plaignantes dans cette affaire, se retrouve chez les “thérapeutes déviants”, souligne Claude Delpech, présidente de l’association Alerte aux faux souvenirs induits (AFSI).

C’est la “voix royale” pour “diaboliser l’entourage” d’une personne et l’isoler, explique Jean-Pierre Jougla, spécialiste des sectes. “Au bout de la route, nos enfants ne reviennent jamais tout à fait”, quand ils reviennent et sortent de l’emprise, poursuit Claude Delpech. Quant au but des “charlatans” contre lesquels elle lutte, “c’est l’argent, uniquement l’argent”.
Interrogé par le président qui souligne que les parties civiles dans ce dossier ont un “bagage intellectuel”, le spécialiste des sectes met en avant “l’idée fausse”, l'”erreur” qui consisterait à penser qu’il faille une “fragilité préexistante” pour tomber sous emprise. Des arguments qui ne font aucun doute pour le procureur. Il n’y a “pas la place pour le moindre doute”, les parties civiles étaient “dans un lien de soumission” à la thérapeute, qui a mis en place “des techniques propres à altérer (leur) jugement”. La décision, qui a été mise en délibéré, sera rendue le 23 mai.

source :J.C. avec AFP wwwbfmcom