CE DONT ON VA PARLER :

Le groupement sectaire va demander à ses adeptes de faire des choses, généralement contre la loi. Par exemples souscrire des emprunts sous de faux prétextes, ou recruter de nouveaux membres ? Est-ce que le fait d’être victime exclu la responsabilité de l’auteur.

SOURCES :

Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 juin 1999, n°98-80501.
Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2013, 03-83910, 05-82121, 12- 81532

SYNTHESE :

Question fréquente est délicate : quelle est la responsabilité pénale de la victime co- autrice d’une infraction. L’emprise mentale ayant pour effet d’assujettir la volonté de la victime, on peut se demander si la victime d’un abus de faiblesse peut être co- auteur et donc pénalement responsable. Clairement, la question divise et ne fait pas l’objet d’une réponse claire: il convient de bien comprendre les termes du problèmes (I), et les solutions possibles (II).

I. LES TERMES DU PROBLEME

L’acte sectaire est souvent en groupe. Si le groupe commence à deux, comme dans l’emprise familiale ou relationnelle, il s’agit de groupe souvent de plus grande ampleur. Si le groupe est délictueux dans son action ou dans ses comportements : qui porte la faute pénale.

a. La notion de groupe en dérive sectaire

L’activité du groupe sectaire repose généralement sur une action collective. Cette dynamique commence parfois à deux – dans le cadre d’une emprise conjugale – mais s’observe surtout dans des groupements structurés où les membres sont progressivement engagés dans un projet commun, souvent sous la direction d’un leader. La participation à des actes répréhensibles peut ainsi se faire sans que l’adepte ait conscience de leur portée ou de leur illicéité, tant il est immergé dans une autre réalité façonnée par l’idéologie du groupe.

L’engagement du membre ne repose pas sur un accord libre et éclairé, mais sur un conditionnement prolongé. Pourtant, une exclusion systématique de toute responsabilité serait excessive et ne tiendrait pas compte de la diversité des cas. La situation doit être appréhendée avec nuance : certains adeptes agissent dans un état de confusion psychique totale, d’autres conservent une forme d’autonomie ou même adhèrent sincèrement aux objectifs du groupe, malgré l’influence.

b. La loi LOPMI et la bande organisée

La loi LOPMI du 24 janvier 2023 a ajouté à l’article 223-25-2 du code pénal que « Lorsque l’infraction [abus de faiblesse] est commise en bande organisée par les membres d’un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d’exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à un million d’euros d’amende ». Le caractère de bande organisée permet des mesures d’enquêtes spéciales et donc un travail probatoire plus fin.

De manière générale, il ressort de cette notion de bande organisée, que l’on connait plus dans le grand banditisme et dans la traite d’êtres humains, une notion d’action commune criminelle. Les différents membres agissent ensemble en vue de créer un abus de faiblesse. Cette notion très neuve, nous parait complexe dans sa mise en pratique. Elle ne prend pas le temps de réfléchir sur le critère de la participation. Dans le cadre d’une emprise mentale forte, la victime perd tout sens de la réalité autre que celle promue par le gourou.

La question de la co-victime autrice d’infraction est celle de sa sanction pénale : en cas d’absence de conscience totale de la victime, la sanction serait injuste et inutile, mais pour les autres victimes, cela peut cela peut soulever une difficulté en termes de reconnaissance et de justice.

II. DES PISTES POUR COMPRENDRE

Parmi les outils juridiques permettant d’appréhender cette situation complexe, la notion de contrainte offre une première clé d’analyse.

a. La contrainte et la complicité

En pur droit pénal, un élément qui permet d’exciper de l’irresponsabilité de quelque quelqu’un est la contrainte. Si l’on commet un crime sous contrainte alors la culpabilité peut être levée en raison de l’absence

Prévue à l’article 112-2 du code pénal, selon lequel « n’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pas pu résister ». La jurisprudence a développé une réflexion autour de la contrainte morale externe : qui doit être imprévisible et irrésistibilité. Ces deux notions peuvent se trouver l’emprise mentale : une personne ne prévoit pas de succomber et elle est irrésistible. A notre connaissance, la jurisprudence n’a pas eu à trancher cette question.

b. Le « Bloc Peine »

Les sanctions pénales ne sont pas monolithiques. Les juridictions possèdent une grande marge de manoeuvre pour construire une réponse pénale à la juste valeur du crime ou délit et de la personnalité de l’auteur. Si une juridiction peut reconnaitre de la responsabilité à une co-victime, elle le fera au cas par cas avec un deuxième facteur d’ajustement qui est la peine possible : sursis, injonction de soin, bracelet électronique.

Conclusion :

La responsabilité pénale de la victime co-auteure dans les dérives sectaires doit être analysée à la lumière du processus de sujétion psychologique. L’état d’emprise mentale peut justifier une exonération de responsabilité par la contrainte, ou à tout le moins un aménagement des peines. Il appartient aux juridictions d’apprécier, au cas par cas, la lucidité de l’auteur au moment des faits et sa capacité à résister à l’influence du groupe. Cette prudence permet de concilier justice et humanité dans un contexte psychologique souvent très dégradé.

Infos pratiques :

– La contrainte prévue par l’article 112-2 du Code pénal peut être morale : elle doit être imprévisible et irrésistible

– L’article 223-25-2 du Code pénal aggrave les peines en cas de bande organisée dans un contexte de sujétion.

– Une victime peut être déclarée responsable mais bénéficier d’un aménagement de peine en fonction de son niveau d’emprise.

– Dans tous les cas, l’analyse est faite au cas par cas, en tenant compte de la situation psychologique de l’auteur.