Généralement, les sectes sont des grands groupes qui proposent des croyances qui ont à peu près du sens : une nouvelle lecture de la Bible ou de la médecine par exemple. Ce sont des choses plus ou moins crédibles même si, quand on va un peu plus loin, on s’aperçoit que ce sont des syncrétismes grossiers. Si le mouvement sectaire n’a pas augmenté en Belgique ces 10 dernières années, il a, par contre, évolué : il y a de plus en plus de petits groupes, ce qui est très inquiétant d’un point de vue sociologique. En ce qui concerne le calendrier maya, il y a ceux qui croient à la fin d’un monde et ceux qui croient à la fin du monde. Les seconds pensent que seuls survivront ceux qui se réfugient quelque part, par exemple dans le fond d’une grotte, mais que, pour les autres, c’est fini. C’est une croyance moins crédible et qu’on trouve dans de plus petits groupes : le profil est donc différent. On est dans quelque chose de plus fou. Les petits groupes diffusent des croyances ésotériques irrationnelles qui ne sont pas sectaires en elles-mêmes mais qui peuvent faire penser que les gens sont plus irrationnels que par le passé : on trouve de plus en plus de personnes pour croire à ces théories fumeuses. Il y a clairement un malaise de société : les individus sont plus à la merci de personnalités pathologiques.

Quelle pathologie est à l’œuvre selon vous dans le cas qui nous occupe ?

Les adeptes ont des profils plus pathologiques à la base. A la limite, ils n’ont même pas besoin d’être recrutés par un gourou: ils ont déjà cette paranoïa au départ. A mon sens, dans la société actuelle, il y a plus de pathologies dites « narcissiques » et cela s’explique par les valeurs véhiculées. Par exemple, le harcèlement moral est présenté par certains formateurs comme une méthode de management à part entière. Cela devient la norme et n’est plus seulement le fait de vrais pervers. Certaines personnes adoptent des conduites de ce type sans que cela ne fasse partie de leur structure de personnalité initiale. C’est le fonctionnement de la société qui encourage ces comportements : gagner, c’est bien, perdre c’est mal et celui qui est gentil et solidaire est considéré comme un con. Dans un profil narcissique, l’individu réfléchit son lien à autrui à partir de lui-même et a une difficulté croissante à se mettre à la place de l’autre. Si vous êtes altruiste, vous êtes con … C’est assez perturbant ! Conséquence : les personnes les plus fragiles ont moins de garde-fous. Lorsque des comportements mauvais sont présentés comme bons, pour des personnes moins équilibrées, c’est un garde-fou qui saute et il faut beaucoup de forces personnelles pour tenir le coup face à cela.

Craignez-vous des réactions intempestives le 21 décembre ?

Non. A tort ou à raison, il me semble qu’il n’y a pas grand-chose à craindre de ces gens-là à part qu’ils aillent encore plus mal. Croire que la fin du monde va survenir le 21 décembre prochain est particulièrement irrationnel mais chacun a le droit de croire ce qu’il veut. Le véritable danger, c’est l’instrumentalisation qui est faite de cette croyance et la part de cynisme de certains. Des escrocs sans scrupules vont récupérer ce truc pour exploiter les plus faibles, par exemple leur faire emprunter de l’argent pour acquérir très cher un terrain qui ne vaut rien et qu’ils vont devoir continuer à rembourser quand ils se rendront compte que rien n’a changé le 23 décembre. C’est l’abus de faiblesse qui pose problème, pas le fait de croire à quelque chose. Au contraire, certains vont peut-être vouloir profiter du temps qui leur reste pour ‘mettre leurs affaires en ordre’ et laisser un bilan positif de leur existence derrière eux. Et qui sait ? Cela pourrait avoir un effet positif sur leur vie.

source :La Libre Belgique
Caroline GRIMBERGHS

http://www.lalibre.be/societe/general/article/782170/fin-du-monde-le-syncretisme-grossier-des-croyants.html