•Endoctriner par le foot, telle est la profession de foi de l’Eglise de la providence, une secte sud-coréenne.

•Les cérémonies se déroulent lors de matchs dont l’enjeu est la réunification des deux Corée et l’instauration du royaume de Dieu sur terre.

Matthieu DURAND – le 28/05/2008 – 09h51

Article publié lors du Mondial 2002 : Le football est souvent présenté comme une religion, dont les fidèles se regroupent en masse lors de cérémonies dominicales pour vouer un culte au ballon rond. Rien n’est plus vrai en Corée du Sud, pour les 30.000 fidèles de l’Eglise de la providence, comme l’explique dans la revue CNRS Info de mars 2002 Nathalie Luca, chercheuse du CNRS, au Centre d’études interdisciplinaires des faits religieux (1).

{{Dieu supporte les démocrates}}

En 1980, Jông Myông-Sôk, qui se fait appeler Jesus Morning Star (JMS), quitte l’Eglise de l’unification, plus connue sous l’appellation de secte Moon, pour fonder l’Eglise de la providence. La secte organise ses cultes dominicaux “dans les stades des universités, autour de matchs de football dont l’enjeu rituel est la réunification des deux Corée et l’instauration du royaume de Dieu sur terre”, indique Nathalie Luca. Ses fidèles, JMS les recrute parmi les étudiants à une époque où ces derniers s’opposent lors de manifestations au régime dictatorial sud-coréen. Mais la secte “défend ostensiblement la politique gouvernementale”, ce qui lui vaut “la considération des dirigeants”.
L’Eglise de l’unification a construit sa doctrine sur “un système de complémentarité entre ‘un monde des vivants’ (les joueurs) divisés en démocrates et en communistes, et en un ‘monde des esprits’ (les spectateurs), celui de Dieu et de Satan qui orientent les vivants vers la démocratie ou vers le communisme”, écrit la chercheuse. De l’ardeur du jeu des “vivants” et de la clameur des “esprits” dépend l’orientation du monde, poursuit-elle. Et de préciser que les matchs sont toujours gagnés par les démocrates, dont le capitaine n’est autre que… Jông Myông-Sôk.

{{Sacrifices et résistances}}

Pourquoi JMS a-t-il choisi le football ? “Parce qu’il s’agit d’un sport d’équipe où les qualités individuelles sont mises au service du groupe”, répond Nathalie Luca. Ce sport développe en outre “un esprit de compétition qui suppose des sacrifices (suppression des cigarettes et de l’alcool, interdiction ponctuelle d’avoir des relations sexuelles) et une résistance aux blessures morales et physiques”.
Les matchs organisés par la secte, dans lesquels cohabitent profane et sacré, “permettent aux adeptes de se libérer émotionnellement tout en témoignant de l’efficacité d’un messie”, avance la chercheuse. “Ils sont l’éloge de la compétition et représentent la victoire du capitalisme sur le communisme, de la Corée du Sud sur la Corée du Nord”. Bref, rien à voir avec la “religiosité” sympathique du supporteur brésilien ou du tifosi italien.

(1) Nathalie Luca : Le salut par le foot. Une ethnologue chez un messie coréen. Editions Labor et Fides, Genève, 1997.

photo d’ouverture : supporteurs sud-coréens (AFP).

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