L’article 18 du projet de loi « aurait permis aux services de l’État d’intervenir » avant l’assassinat de Samuel Paty, a déclaré Gérald Darmanin.

Jeudi 21 janvier, en commission, les députés ont donné un premier feu vert à l’arsenal contre la cyber-haine prévu par le projet de loi séparatisme, avec, à la clef, des mesures contre les contenus illicites sur le Net et une disposition « Samuel Paty ».

Présenté comme un article destiné à répondre à la campagne de haine dont a été victime ce professeur assassiné, l’article 18 modifié crée un nouveau délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusions d’informations relatives à la vie privée « aux fins de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ». Il sera puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

L’opposition dénonce un article « inutile, dangereux »

« Cet article 18 aurait permis aux services de l’État d’intervenir » dans l’engrenage qui a abouti à l’assassinat de Samuel Paty en octobre, en pénalisant « la vidéo du père [de famille] qui lance une fatwa et arme idéologiquement le tueur », a affirmé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

Mais cette nouvelle disposition est également perçue comme une nouvelle mouture du controversé article 24 de la proposition de loi sécurité globale, qui a déchaîné les passions à l’automne en voulant pénaliser la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre. Cet article est « inutile, dangereux » et semble avoir été pris « pour pacifier les syndicats policiers », a taclé Charles de Courson (Libertés et Territoires). À l’extrême droite, Emmanuelle Ménard et Elsa Faucillon pour le PCF ont souhaité supprimer l’article, l’estimant « trop flou ». Désigner un homme « à la vindicte […] n’est pas une liberté fondamentale », a grondé Éric Dupont-Moretti, garde des Sceaux.

Les dérives des forces de l’ordre plus durement sanctionnées

Les députés ont par ailleurs durci la proposition lorsque les faits visent un mineur, avec en toile de fond l’affaire Mila, adolescente iséroise victime de menaces après la diffusion d’une vidéo polémique sur l’islam. Reprenant la loi Avia sur la haine en ligne censurée par le Conseil constitutionnel, les députés ont validé une mesure pour lutter contre les sites miroirs qui reprennent des contenus illicites déréférencés ou bloqués par la justice.

Ils ont également adopté un amendement gouvernemental qui vise à réguler la modération des contenus illicites sur les réseaux sociaux et les moteurs de recherche. La nouvelle disposition vise à anticiper la mise en œuvre d’un règlement européen sur les services numériques (« Digital Services Act », DSA). Avec en toile de fond plusieurs récentes bavures commises par des policiers, la commission spéciale a par ailleurs aggravé les peines encourues par des personnes dépositaires de l’ordre public en cas de dérives sexistes, homophobes ou racistes.