Publié le 10/11/2009 09:24 | S.B.-La depêche

{{Justice. Deux affaires récentes rappellent que le Lot-et-Garonne n’est pas un no man’s land pour les dérives sectaires.}}

« Dire que les dérives sectaires en Lot-et-Garonne sont un non-événement est un peu gonflé. » Sous couvert d’anonymat, cet enquêteur branché sur le sectaire trouvait hier la justification de son affirmation dans l’affaire des reclus de Monflanquin.

Un homme de 45 ans a été interpellé en Suisse, mis en examen et placé en détention provisoire. Il est soupçonné d’avoir séquestré, moralement en tout cas, onze membres d’une même famille dans un château de Monflanquin, les contraignant ensuite à le suivre en Angleterre (lire notre édition d’hier). De son procès s’il a lieu, Daniel Picotin, qui défend deux parties civiles dans ce dossier, veut faire un cas d’école.

Spécialisé dans les dérives sectaires, cet avocat plaide pour un renforcement de la loi. « Le système juridique est carencé, incomplet. On ne peut agir que par la bande et des freins demeurent. On l’a vu avec le procès de la scientologie. Les gourous ont un temps d’avance, et les moyens de lutte un de retard. À quand de vrais expertises psychologiques et psychiatriques par exemple ? ».
« Un cas d’école »

L’affaire des reclus de Monflanquin est pour Me Picotin « un cas d’école européen. Dans ce cas présent, il ne s’agit pas d’un délit de manipulation mentale qui touche des marginaux ». Les onze membres de la famille De Védrines étaient « tous insérés. Et ils ne sont pas de la même génération ». Et les dégâts collatéraux sont inévitables : placement en centre psychiatrique à La Candélie à Agen pendant près d’un mois, état de santé délabré pour l’autre, victime d’actes de barbarie. « Elle ne savait plus ce qu’elle faisait quand elle signe les documents pour vendre son appartement du Pyla ». Tous les deux ont été extirpés de l’emprise du gourou. « Un maître en la matière. Il a même réussi à ruiner son avocat ».

La loi About-Picard de 2001 a permis au juge d’instruction de le mettre en examen pour abus de faiblesse. « Mais il est seulement curatif. Comment voulez-vous demander à une victime à peine sortie de l’enfer d’aller voir les gendarmes ? ».
Un levier, pas deux

C’est un levier, le seul d’ailleurs à la disposition de la justice. La plainte déposée à Agen en 2003 pour vols et détournement de fonds (180 000 francs) par un proche des reclus de Monflanquin est restée dans un tiroir. « Le droit français ne permet aux proches d’aller en justice pour les victimes ».

Par ailleurs représentant d’Infosectes Aquitaine, Daniel Picotin rencontrait hier Catherine Picard, président de l’UNADFI (*). La seule loi antisectes porte le nom de cette ex-parlementaire PS. « Ce texte de loi est un outil pour les juges ». Et pourtant « on en arrive à conseiller aux victimes de ne pas parler de sectes en fonction de l’endroit, de la cour où ils entendent déposer plainte. Le parcours d’une victime est long avant qu’elle ne se rende compte. Et interviennent alors les délais de prescription au-delà desquels on ne peut plus agir ». Catherine Picard et Daniel Picoton sont d’accord sur deux points : les dérives sectaires « touchent ou sont à même de toucher toutes les strates de la vie, en Lot-et-Garonne comme ailleurs. Le Français moyen peut se faire avoir tous les jours » par un « coach », un guérisseur… Hier, deux femmes interpellaient les passants dans les rues d’Agen, cherchant à vendre des magazines ésotériques pseudo-religieux franchement louches.

Union nationale des associations de protection de la famille et de l’individu. Catherine Picard sera dans le département à la fin du mois.
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{{Le Dinh remis en liberté}}

Robert Le Dinh, baptisé Le Din-Tang, a finalement été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire. Il avait été placé en détention provisoire en avril dernier et mis en examen par un juge d’instruction de Foix pour viols et extorsion de fonds. L’abus de faiblesse est également retenu à son encontre. Ses tracas judiciaires font suite aux plaintes de six femmes, dont deux mineures à l’époque des faits présumés, à la fin des années 1990, quand Le Dinh régnait sur un groupe installé sur les hauteurs d’Agen. De nouvelles expertises ont été demandées par ses avocats, dont Me Martial, qui écarte toute idée de secte. « Les déclarations des victimes sont aujourd’hui différentes des accusations qu’elles portaient au début ». Robert Le Dinh n’a pas été jugé.