Sa pensée marie l’islamisme jihadiste et l’apocalyptique musulmane.
De fait, l’EI est toujours soucieux de se justifier théologiquement. Ainsi il recourt fréquemment au penseur musulman du XIIIe siècle, Ibn Taymiyya, très en vogue dans les milieux ultra fondamentalistes.
Comme l’explique le spécialiste de l’islamisme politique Stéphane Lacroix : «Lorsque l’Etat islamique a brûlé vif en février 2015 le pilote jordanien, il a avalisé son acte en mobilisant une référence à Ibn Taymiyya qui autorise le recours à la loi du talion.»
En islam, seul Dieu peut recourir au châtiment par le feu (l’enfer). En assimilant les bombardements aériens à ce type de punition, l’EI s’autorisait le supplice infligé au pilote.

Califat

Contrôlant des pans entiers de l’Irak et de la Syrie, l’Etat islamique annonce, le 29 juin 2014, le rétablissement du califat, régime aboli après le démantèlement de l’Empire ottoman. Abou Bakr al-Baghdadi, son leader, descendant revendiqué d’une lignée le reliant au Prophète, devient le «calife Ibrahim», détenteur d’un pouvoir à la fois spirituel et temporel. Vu comme l’âge d’or de l’islam (ce qui fut le cas jusqu’au Xe siècle), le califat a toujours été l’horizon mythique des mouvements islamistes, leur réponse à la colonisation par les puissances occidentales, leur vision politico-religieuse pour le monde musulman. Lancé dans une stratégie de conquête territoriale, l’Etat islamique (nom que prend l’organisation terroriste après le 29 juin 2014) conteste les frontières issues des accords Sykes-Picot en 1916, lorsque la France et la Grande-Bretagne se partageaient des aires d’influence au Proche-Orient. Pour étendre le califat, l’EI prévoit de nouvelles conquêtes, comme le firent les premiers califes de l’islam et justifie ainsi son jihad. Grâce à ce coup d’éclat, l’organisation s’arroge une hégémonie politico-religieuse et attire de nouvelles recrues venues d’Occident et du monde musulman. «En rétablissement le califat, l’Etat islamique a opéré une OPA sur tous les mouvements jihadistes», souligne le chercheur Romain Caillet. Au fil des mois, nombre d’entre eux, comme Boko Haram au Nigeria, font allégeance au «calife Ibrahim». En revanche, les principales autorités de l’islam, comme le grand imam d’Al-Azhar (Egypte), vont condamner l’EI et son pseudo-califat.

Hijra

«La hijra [«hégire»] est fondamentale dans la rhétorique de l’EI», pointe Stéphane Lacroix, chercheur au Centres d’études internationales de Sciences-Po et du CNRS (Ceri). En 622, le Prophète quitte La Mecque où il est en difficulté pour s’installer à Médine, De la même façon, les musulmans doivent, dans la pensée salafiste, quitter les territoires d’impiété (Dar al-Kufr, là on ne peut pratiquer la religion musulmane) pour gagner la terre de l’islam. Pour l’EI, c’est un appel aux sunnites du monde entier à rallier le territoire du pseudo-califat et de grossir les rangs des combattants.

Bay’a

Dans le monde arabe médiéval, c’est l’allégeance au maître du moment. Aux yeux de l’EI, après le rétablissement du califat, tous les musulmans sunnites sont appelés à prêter allégeance au calife autoproclamé.

Baqya

Traduit par «il restera», c’est le slogan de l’Etat islamique. «Répété par tous les jihadistes, il signifie que l’EI se maintiendra quoi qu’il advienne», explique Romain Caillet.

Kafir

Le terme (au pluriel kouffar) signifie «mécréant», «incroyant», «infidèle», qualifiant celui qui ne croit pas à la religion musulmane. Il existe deux types de kafir : ceux qui n’ont entendu parler de l’islam (ou qui ne s’y sont pas convertis) et les musulmans qui l’ont quitté ou qui ont commis des actes entraînant leur excommunication. Ces derniers sont considérés comme apostats (murtad). De ce fait, ils méritent, dans les conceptions les plus rigoristes de l’islam, la peine de mort. L’EI qualifie beaucoup de ses ennemis musulmans d’apostats.

Takfiristes

Le takfir (qui signifie «anathème», «excommunication»), est le fait de rendre kafir un musulman, de l’excommunier. L’EI se considère comme le défenseur du vrai et pur islam, débarrassé des mauvaises interprétations, des innovations et de ses ennemis, comme il le répète dans sa propagande «takfiriste». Ce dernier terme est souvent employé par les salafistes – et considéré comme une injure – pour désigner les jihadistes (ceux de l’EI et les autres). «Dans l’islam classique, le takfir n’est pratiquement pas employé, explique Adrien Candiard, chercheur à l’Institut dominicain d’études orientales, basé au Caire. Une polémique a surgi lorsque le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb n’a pas prononcé de takfir lors de sa très ferme condamnation de l’Etat islamique.»

Khawarij

Les principaux courants musulmans qualifient les jihadistes de l’EI de khawarij, une secte dissidente et très violente de l’islam des premiers siècles (kharidjisme), combattant à la fois le sunnisme et le chiisme. «Ce sont les khawarij des temps modernes», affirmait le communiqué du Conseil français du culte musulman (CFCM), proposant aux mosquées de France un modèle de prêche condamnant les actions terroristes.

Rawafidh

Parmi les ennemis de l’EI figurent en première place les musulmans chiites, appelés rawafidh. En Irak et en Syrie, l’organisation terroriste redoute une «chiitisation» et la combat violemment.

Esclavage

L’EI justifie théologiquement le rétablissement de l’esclavage, notamment parce que s’approche la fin des temps. Parmi les atrocités commises par l’organisation terroriste figurent l’enlèvement et le viol de centaines de jeunes femmes yézidies, réduites au statut d’esclaves sexuelles. Considérés comme polythéistes par l’EI, les Yézidis sont, dans sa logique meurtrière, punissables de mort.

Inghimasi

C’est un combattant qui se jette en première ligne, muni d’un gilet d’explosifs. Il l’actionne lorsqu’il n’a plus de munitions. «Dans les méthodes de combat de l’EI, ce n’est pas un kamikaze. L’inghimasi peut revenir vivant de la bataille», précise Romain Caillet. Le 13 Novembre, trois kamikazes ont opéré au Stade de France ; les terroristes du Bataclan s’apparentent, eux, à des inghimasis.

Apocalypse

Très attractif auprès des jeunes recrues occidentales, nourris d’une culture populaire post-apocalyptique à travers les films ou les jeux vidéo, l’imaginaire eschatologique (celui qui concerne la fin des temps) est très mobilisé dans l’idéologie politico-religieuse de l’EI et sa propagande. Son pseudo-califat est dit «sur la voie prophétique», c’est-à-dire qu’il est le dernier régime à exercer le pouvoir avant le retour du mahdi (lire ci-après). Comme le note le chercheur Jean-Pierre Filiu dans son livre magistral sur cette question, l’Apocalypse dans l’islam (Fayard), cette thématique a fait un retour en force dans le sunnisme depuis le début des années 2000 et l’invasion de l’Irak. Toute une littérature populaire, publiée notamment en Egypte, a diffusé largement ces thèmes apocalyptiques, symptômes de la crise actuelle de l’islam et du monde arabo-musulman. L’une des innovations essentielles de l’EI, notamment par rapport à Al-Qaeda, est la jonction entre l’idéologie jihadiste et l’imaginaire apocalyptique, démultipliant ainsi sa violence meurtrière.

Croisé

En revendiquant les attentats du 13 Novembre, l’organisation terroriste a qualifié la France de «croisée» et Paris de capitale «qui porte la bannière de la croix en Europe». Pour l’EI, reprenant une rhétorique médiévale, le «croisé», c’est l’ennemi de l’islam, l’agresseur, comme au temps des croisades. Le terme désigne aujourd’hui les Occidentaux et les Russes mais aussi les victimes des attentats. A plusieurs reprises, l’EI a également appelé à la «destruction de Rome».

Mahdi
liberation.fr
20 décembre 2015 à 20:11
Figure très populaire, le mahdi (le «bien guidé») est un personnage caché dont la révélation signe l’arrivée de la fin des temps. Il instaure l’ordre voulu par Dieu. L’EI considère qu’il prépare sa venue. «Dans l’imaginaire islamique, le mahdi est un personnage mobilisé en temps de crise, explique Adrien Candiard. Au XIXe siècle, cela a été le cas dans la résistance algérienne à la colonisation française. » Dans son histoire, même très récente, l’islam a connu beaucoup d’individus se revendiquant comme le mahdi.

Bataille de Dabiq

Petite localité du nord-ouest de la Syrie située près d’Alep, Dabiq, occupée par l’organisation terroriste, tient une place importante dans l’imaginaire politico-religieux de l’EI. D’après la littérature apocalyptique musulmane, c’est là qu’aura lieu la bataille finale entre les forces du bien et celles du mal. Pour l’EI, cela se traduit par un affrontement entre son armée et celle des «Romains» (c’est-à-dire des croisés, des Occidentaux, de la coalition internationale). Une fois la victoire acquise, Jésus, l’un des principaux prophètes de l’islam, revient sur terre, combat une sorte d’anti-mahdi. Puis s’ouvre alors la période de la fin des temps.

source par Bernadette Sauvaget