Depuis sa création en 1981, le Centre Contre les Manipulations Mentales (CCMM) conduit une action d’information, d’éducation et de mise en garde du public , pour défendre la personne humaine contre toutes les formes de manipulation et d’emprise mentales, d’où qu’elles viennent.

Au CCMM-Île-de-France, trois personnes se partagent le travail d’écoute, d’accueil des victimes et des familles de victimes. Formées à l’emprise et à la manipulation mentale, elles sont en mesure de conseiller et d’orienter sur des aides plus spécialisées.

Une douzaine de personnes la plupart, retraitées, contribuent aux missions de l’association : interventions dans les collèges et les lycées, rendez- vous spécialisés, réalisation de produits pédagogiques… L’engagement de tous est militant et citoyen.

Si tu bosses à coté, tu as des difficultés pour être bénévole ici. C’est trop d’investissement.
{{
Quand on ouvre les lignes, ça n’arrête pas}}

Quand les “écoutantes” arrivent à la permanence, elles ouvrent les deux lignes, les lundis, mercredis et vendredis après-midi. Et là, ça n’arrête pas. Si tu ne coupes pas le téléphone en fin d’après-midi, à 23 heures tu y es encore. Quand on n’est pas là, les gens laissent un message et on les rappelle.

Ce sont les familles de victimes qui nous contactent, en général. Les victimes, elles, n’ont souvent pas conscience qu’elles sont sous l’emprise d’un mouvement sectaire ou d’un “dérapeuthe”, un faux-coach, ou un pasteur évangéliste auto-proclamé.

Tous les secteurs d’activité humaine, la santé, le bien-être, le développement personnel, la formation aussi bien que le sport favorisent malheureusement “la dérive sectaire”, c’est-à-dire l’utilisation d’une activité quelconque de l’individu par un manipulateur, qui a pour seul objectif d’établir son emprise sur des personnes placées “en état de sujétion”, ceci à des fins perverses de conditionnement.

{{Les mouvements sectaires ciblent les riches}}

La grande majorité des appels que nous recevons provient de familles de victimes, qui se font influencer notamment, par des “dérapeuthes”, ces charlatans de la santé qui se targuent de guérir les cancers, la sclérose en plaque, le sida, etc.

Ils empêchent les malades de prendre leur traitement au profit de leurs manipulations de toutes sortes, de la chirurgie par les mains… Ces méthodes peuvent se solder par la mort du patient. Les personnes âgées, à domicile ou en maison de retraite, sont les plus touchées par ces dérives.

Certains mouvements sectaires ciblent plutôt les jeunes travailleurs loin de leur famille et de leur terre d’origine. Par exemple, les pasteurs autoproclamés des églises évangéliques s’en prennent aux adolescents antillais ou africains.

D’autres se concentrent sur les actifs qui ont des difficultés dans leur vie professionnelle, comme les plus de 50 ans qui sont sur la touche. De faux coatchs exploitent les reconversions professionnelles et en dégagent un flux d’argent considérable. C’est dans le sud de la France qu’il se passe le plus de séminaires, puisque c’est souvent là que les plus aisés viennent s’installer. Les gourous de toutes sortes y élisent domicile, dans un petit château ou une villa particulière, et organisent des cérémonies ou des stages qui coûtent une fortune. Peu de mouvements sectaires s’intéressent aux pauvres, aux gens sur les trottoirs.

{{Islam rigoriste}}

Nous sommes aussi confrontés aux dérives des mouvements religieux, qu’ils soient catholiques, bouddhistes, islamiques ou autre. Les écoutantes enregistrent de plus en plus de cas.

Lorsque les familles nous contactent, il s’agit la plupart du temps de jeunes convertis à un islam rigoriste. Ces adolescents, issus de familles françaises athées ou non et sans histoire, ont basculé dans le radicalisme après une conversion à l’islam radical. Une entrée dans la foi qui s’est traduite par une vie d’isolement, un rejet de l’Occident et la volonté de mener le combat au nom d’Allah.

Les parents sont désemparés et surtout inquiets des risques d’actions violentes sur lesquelles pourraient être amené leur enfant. L’émergence de ces nouveaux convertis sur la scène du terrorisme inquiète chaque jour davantage les policiers spécialisés. D’autant que leur détection, l’évaluation de leur dangerosité et leur suivi se révèlent délicats.
{{
La peur que leur enfant soit fiché}}

Certains parents appellent pour dire : “Ma fille veut se convertir car son copain est algérien et musulman”. Il faut vérifier qu’il ne s’agit pas d’une démarche xénophobe ou raciste de leur part.

Nos écoutantes expliquent ensuite aux proches des victimes qu’il ne faut pas rompre le lien avec leur proche manipulé. Ce dernier est une victime et le temps est compté. Il leur faut convaincre les parents d’enfants radicalisés que le CCMM-IDF n’est pas un service policier et que ce n’est pas à nous de contacter les services officiels. Dès le premier entretien téléphonique, nous incitons nos interlocuteurs à prendre contact avec les autorités compétentes.

Les parents croient qu’en appelant le numéro vert et en donnant le nom de leur gosse, il sera fiché. Pourtant, à l’autre bout de la ligne, il y a des gens qui ont été formés, et qui sont capables de vraiment les aider.
{{
Démasquer l’embrigadement}}

Le CCMM-IDF a été incité à participer aux dispositifs départementaux d’Île de France, pour d’accompagner des parents et des jeunes en leur apportant un soutien de proximité et une aide psychologique. L’association est partenaire du Contrat parisien de prévention et de sécurité.

L’équipe “radicalisation” suit ainsi 21 familles depuis fin 2014. Dans un premier temps, au travers de ce que dit la famille, nous tentons une hypothèse du degré de radicalisation et d’engagement du jeune de manière à élaborer des prises en charges plus spécifiques. Il s’agit d’aider les familles de plus en plus nombreuses, à comprendre ce qui leur arrive, les déculpabiliser et les soutenir.

Nous tentons également de maintenir le lien entre le jeune et la famille. Notre expérience et les études démontrent que, lorsqu’il est rompu, la partie risque d’être perdue. Enfin, chaque fois que c’est possible, nous accueillons la famille avec le jeune, même si l’on sait que depuis ces derniers mois, les “radicaux” apprennent aux jeunes à cacher leur embrigadement.

{{Lien fusionnel}}

L’équipe de travail a reçu la formation spéciale du Ministère de l’Intérieur pour prévenir la radicalisation islamique. Pour le gouvernement, c’est le problème numéro un.

La radicalisation islamique suit le même processus d’embrigadement que les autres manipulations mentales, sauf qu’au bout, il y a la mort, alors que dans la plupart des autres radicalisations religieuses, il s’agit avant tout, d’une mort psychique.

Les écoutantes font ainsi un travail essentiel pour l’association. Elles savent garder la distance mais cela ne les empêche pas d’avoir le cœur qui bat devant des cas difficiles et d’être parfois perturbées par la détresse.

Certaines d’entre elles peuvent avoir envie de garder contact avec les victimes ou leur famille, mais elles savent que c’est une mauvaise idée. Quand on sent qu’on a fait notre boulot, il ne faut pas relancer. Sinon, on crée un lien spécial et on ne peut rien amener de plus. Après, ils ont tendance à s’accrocher à nous, à vouloir qu’on fasse tout à leur place. Or il est hors de question de porter plainte pour quelqu’un.

Les bénévoles du CCMM de Paris ouvrent leur ligne les lundis, mercredis et vendredis après-midi.

source :
par Julia Mourri
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1499433-gourous-derapeuthes-et-salafistes-on-repond-au-standard-des-derives-sectaires.html