À cet effet, ces reportages dépeignent le portrait d’individus reconnus pour leurs pouvoirs de guérisseurs et leur capacité à soigner par les fréquences, les énergies des troubles comme l’autisme ou des problèmes de santé chroniques comme le diabète, l’Alzheimer ou
des maladies comme le cancer
. D’autres reportages rapportent l’emprise de certains individus sur d’autres en raison de leur sagesse ou encore de leur capacité à communiquer avec le Divin
. Dans ces reportages, le vocable gourou est donc synonyme de manipulateur, de fraudeur, d’opportuniste qui utilise la crédulité de certains pour sa propre satisfaction. Invariablement, le croyant ou le client est donc dépeint comme une victime, comme une personne crédule, une personne faible.
La relation, unissant un gourou perçu comme tout-puissant et un adepte qui croit en son pouvoir, parfois même jusqu’à la mort, a été soulevée par deux membres de l’Assemblée nationale durant la tourmente entourant la mort de Chantal Lavigne et les reportages concernant un groupe de personnes réunies autour de Marcel Pontbriand. Sylvie Roy de la Coalition avenir Québec (CAQ) a souligné que le Québec a besoin d’une loi permettant la protection d’individus qui sont sous l’emprise de groupes sectaire, précisant ainsi l’intention de son parti de proposer un tel projet de loi. En contrepartie, Lawrence Bergman, porte-parole de l’opposition officielle en matière de Lois professionnelles et représentant du parti libéral du Québec, a demandé au gouvernement d’agir afin de protéger les individus qui sont sous l’emprise de charlatans.
L’intérêt de différents partis politiques ou du gouvernement québécois
n’est toutefois pas récent. Déjà en 1993 le gouvernement du Québec
avait mis en œuvre une commission qui avait pour mandat de s’interroger sur la question des thérapies alternatives et la question des individus qui offrent et sollicitent ces services. À l’époque, un sondage commandé par la Commission rapportait que plus de 65% des Québécois s’inquiétaient de la présence de charlatans dans le domaine des thérapies alternatives
. Vingt ans plus tard, les questions relatives à l’emprise de
gourou, de charlatans et l’intérêt d’homme et de femmes à les suivre sont toujours actuelles.
Le vocable gourou a plusieurs significations distinctes, pour certains cette notion est synonyme de manipulateur, un agresseur spirituel, un gourou infantilisant, pour d’autres cette notion est synonyme de maitre spirituel ou de guide
. Dans les faits, cette notion nous dit peu sur la relation et le
pouvoir qui unit une personne décrite comme leader et une autre décrite comme adepte. Comment comprendre donc cette relation qui associe le gourou et l’adepte ? Pourquoi certains adultes acceptent-ils de suivre la voie tracée par une autre personne reconnue comme un gourou, un leader, un guérisseur, un formateur, un prophète ? La recherche actuelle permet de définir trois types de relations entre leader / adepte qui peuvent aider à mieux comprendre les motivations ou les circonstances de cette relation.
1. Pour certains, la relation leader/ adepte est une relation salutaire, soit une relation qui permet de combler un besoin, de donner de l’espoir, d’apaiser les tensions ressenties. Cette relation entre une personne vue comme leader et l’autre comme adepte est une relation dite transactionnelle. Ainsi, la relation persiste tant que le leader est en
mesure d’offrir la récompense promise à la personne lors de son
engagement dans la relation. La relation est donc dépendance dde la
capacité du leader de combler certaines privations ressenties par
l’adepte.
Au nombre de celles-ci, notons : des privations matérielles (emploi, nourritures);
sociales (groupe d’appartenance, amis, activités);
morales (code de vie, philosophie, normes);
psychiques (apaisements d’angoisses, sens à la vie, sensations
intenses).

Ainsi, la relation entre le leader et l’adepte est dite salutaire parce que
pendant un temps l’interaction est bénéfique pour l’adepte11. Dans ce
contexte, pour que la relation persiste, le leader doit satisfaire les besoins de l’adepte. …

2. Pour d’autres, la relation entre un leader et un adepte est
nécessairement une relation coercitive entre un bourreau et une
victime.
Dans ce type d’explication, l’individu s’engage dans la relation avec
un leader et maintien le lien qui l’unit à celui-ci et son groupe en raison
de l’emploi de techniques de contrôle, deséduction,d’embrigadement. Le choix de l’adepte de rester dans le groupe est donc décrit comme un choix contraint. Ainsi, malgré des doutes, des questionnements, une personne va maintenir le lien qui l’unit au groupe en raison de la présence d’un leader charismatique qui séduit l’adepte à maintenir son lien. Le lien est également maintenu parce que le membre reconnait que la philosophie du groupe est l’unique vérité, la seule qui permettra d’atteindre l’objectif poursuivit par le leader et l’adepte (accès au paradis, atteinte de la perfection, guérisons).

Dans ce cadre de référence, le groupe est donc souvent décrit
comme bon et le monde extérieur comme mauvais. Il est donc
difficile pour un membre de quitter un groupe perçu comme bon
pour se joindre à ce qui est décrit comme le mauvais soit le monde
extérieur au groupe. De plus, le leader ou les groupes peuvent mettre
en oeuvre un système de contrôle interne (sentiment de culpabilité
lorsque le membre critique le groupe), de surveillance (vigilance des
membres les uns envers les autres, système de caméras) et de
manipulation (isolement, privation de sommeil, nourriture) qui minimise
les opportunités de l’adepte de critiquer et ultimement de quitter le
groupe.
3. Enfin, pour d’autres auteurs, l’emprise entre le leader et l’adepte est
réciproque
.Ainsi, le leader et l’adepte ont besoin l’un de l’autre pour survivre.L’adepte ressent le besoin de s’associer à un être qu’il voit comme grand afin de poursuivre la quête d’un idéal. L’adepte se soumet à l’emprise du leader en raison de son idéalisation de celui-ci, ainsi en sa présence ils se sentent quelqu’un, diffèrent de la masse. Certains
membres selon l’intensité de cette relation perdront même leur
capacité de discernement et de jugement. Ils seront donc
entièrement assujettis au leader. Le leader ressent un besoin constant
d’être rassuré quant à sa grandeur, il se doit de préserver la ferveur de
ses membres. Il arrive que l’adepte dépende également de plus en
plus de la gratification narcissique que lui apporte l’idéalisation du
leader. Pour préserver l’unicité de ce lien, l’adepte peut se sentir
contraint de répondre à toutes les demandes du leader. C’est
l’intensification de cette dynamique relationnelle qui parfait conduit à
des comportements extrêmes (crime, menace à l’intégrité physique)17
.Que le leader soit décrit comme un gourou, un charlatan ou un guérisseur informe peu sur la relation qui unit ces deux personnes.
Les recherches nous apprennent toutefois que pour certains c’est
l’adepte qui a le pouvoir (relation salutaire), parfois c’est le leader qui a
le pouvoir (relation coercitive) parfois la relation est interdépendante
(relation d’emprise réciproque). Par ailleurs, comment dans ce contexte,
se protéger des situations d’exploitations (financière, physique,
psychologique) avant de s’engager dans un traitement alternatif ou
dans un groupe qui demande un engagement intensif ? Il est préférable
dans toute situation de s’engager en étant bien informé sur la personne ou le groupe avec laquelle on s’engage. Il est donc conseillé de chercher, à partir d’une diversité de sources (journaux, sites internet, service d’information, membres, anciens membres, patients, anciens patients) de l’information sur le service que nous voulons utiliser ou le groupe que nous voulons joindre.
Voici quelques exemples de questions:
Qui détient le pouvoir dans le groupe ?
Qui est le leader / le fondateur. Quelle est son
histoire ?
Quelle est la formation du leader ?
Quel est le passé du leader ?
Comment les décisions concernant la vie de chacun
des membres sont-elles prises ?
Comment le pouvoir est-il distribué dans le groupe ?
Est-ce que des membres, autres que le leader,
détiennent une forme de pouvoir ?
Quel est le prix de l’engagement dans le groupe
(financier, relationnel, familial) ?18

source : INFOSECT No 25, Juin 2013
Par Marie-Andrée Pelland
et Mike Kropveld