Maurice et Félicité Saint-Pierre, ainsi que Jean-Luc Rosa sont sortis de prison hier après-midi. Ayant fait appel de leur condamnation en juin à des peines de sept à douze ans de réclusion criminelle pour la mort du jeune Roger, ils comparaîtront libres au second procès.

1. Pourquoi ont-ils été libérés ?
Le 24 juin, les responsables de l’église du Christianisme céleste ont été condamnés à de la prison ferme pour avoir provoqué la mort du jeune Roger, ligoté sur une croix en janvier 2005. Maurice Saint-Pierre a écopé de douze ans de prison ferme, sa femme Félicité sept, Jean-Luc Rosa neuf et Alain Lescot trois ans, dont deux avec sursis.
Ayant fait appel, ils seront rejugés et restent présumés innocents. Incarcérés, les trois premiers ont demandé leur mise en liberté et l’ont obtenue hier matin. Pour Me José Lama, avocat de Félicité Saint-Pierre, « il n’y a pas, dans ce dossier, le moindre début d’élément qui puisse laisser penser » qu’ils s’enfuiront de Guyane avant d’être rejugés.

2. Pourquoi le parquet général s’y opposait ?
Les trois accusés ont été libérés malgré l’opposition de l’avocat général Daniel Depoulon : « Pour ces trois personnes, il existe des charges lourdes. Il existe des risques de pression sur les témoins et leurs garanties de représentation sont insuffisantes, désormais, eu égard aux longues peines (qui leur ont été infligées). Ce n’est pas la même chose de se présenter devant une juridiction en croyant qu’on va convaincre que de se présenter devant une juridiction en sachant qu’on n’a pas convaincu. Ils peuvent fuir à l’étranger ou ne pas se présenter (au second procès) en restant sur leur territoire grâce à leur réseau de fidèles. »

3. Où se déroulera le procès en appel ?
Le couple Saint-Pierre s’oppose à ses avocats sur le lieu du procès en appel. Les avocats veulent qu’il se déroule hors de Guyane ; les accusés, au contraire, veulent être rejugés ici. Me Étienne-Yves Barrat, qui défend Maurice Saint-Pierre, aurait voulu « un dépaysement très loin d’ici, parce que nous avons eu une opinion publique très sérieusement conditionnée. Et l’opinion publique, c’est quoi ? Ce sont les jurés venus rendre la justice. » Mais, révèle Me Lama, les accusés « ont confiance dans la justice de leur département et souhaitent être jugés ici. Nous respecterons leur choix. »
Ils ont jusqu’à vendredi pour dire leur préférence à la Cour de cassation. Le parquet général aussi. Si personne ne veut de dépaysement, il n’y en aura pas ; si quelqu’un le demande, la Cour de cassation tranchera
En Guyane, les procès d’assises en appel se déroulent environ un an après le premier procès, généralement. Maintenant qu’ils sont libres, le délai pourrait être plus long, la cour d’assises jugeant en priorité les détenus.

4. Que feront-ils en attendant ?
« Je recommence à la mairie jeudi matin » , révèle Maurice Saint-Pierre.
Employé municipal, il a gardé son poste et son traitement. Son épouse compte reprendre la vente de fruits et légumes. Jean-Luc Rosa espère revenir aux fourneaux de la préfecture. Ils reprendront aussi leur activité auprès de leurs fidèles et à la tête de l’église, dont la dissolution n’a pas été prononcée. Jusqu’au second procès, ils devront pointer une fois par semaine au commissariat ou à la gendarmerie. Ils n’auront pas le droit de rencontrer les familles des victimes ni les témoins. Comme entre 2005 et le premier procès, ils ne pourront pas quitter le département, sauf à demander une autorisation exceptionnelle. Ils en avaient par exemple obtenu une pour se rendre à une cérémonie de la direction du Christianisme céleste, au Bénin.

5. Et les médecins ?
Le procès de juin a laissé un goût d’inachevé. Si Maurice Saint-Pierre a admis avoir ligoté, bâillonné et flagellé le jeune Roger, il nie que les violences aient provoqué sa mort. L’enquête et l’absence des médecins légistes au procès n’ont pas permis d’éclaircir ce point. Robert Robeiri, avocat de Jean-Luc Rosa, parle d’un « procès tronqué » . Maurice Saint-Pierre maintient qu’il « ne savait pas que Roger était épileptique. Il est venu chez moi pendant trois ans et je ne l’ai jamais su (…) Et il y a eu cet incident, c’est vrai. » Les avocats espèrent vivement que les médecins viennent au second procès. Étienne-Yves Barrat, selon qui « le médecin (qui a prétendu être hors de Guyane à l’époque) ne voulait pas venir à la barre » . Il a bon espoir que cela se passe différemment la prochaine fois.

Pierre-Yves CARLIER France-Guyane 22.07.2009