La secte Akakaza a vécu pendant presque deux siècles dans de vastes régions du Maroc, en suivant les enseignements de son fondateur, considéré comme un «prophète», en boudant la prière et le jeûne et en faisant du sexe en groupe «un culte» pour «se rapprocher de Dieu» et «se repentir».

Photo d’illustration. / DR

Après avoir libéré des parties du territoire chérifien de l’emprise portugaise au XVIe siècle puis pris le pouvoir des Wattassides, l’ère des Saadiens a été marquée par plusieurs événements marquant dans l’histoire du Maroc. Cette même période coïncidera notamment avec l’apparition de nombreuses confréries religieuses.

Alors que certaines continuent d’exister jusqu’à nos jours, d’autres ont fait couler beaucoup d’encre chez les historiens et les théologiens, à l’instar de la secte des Akakaza. Egalement appelée «Al Youssoufia», cette secte née au XVIe siècle a continué d’exister jusqu’au XVIIe, en se répandant sur une vaste zone géographique. Certaines sources historiques indiquent que le fondateur de cette secte est Ahmed Abdullah Al-Manzoli, et qu’elle était affiliée au cheikh Ahmed bin Yusef Al-Rashidi Al-Malyani (décédé en 927 de l’hégire), qui était un adepte de la Tariqa Chadhiliyya.

Dans son livre «Al-Mahdi Ibn Toumert, sa vie, ses opinions, sa révolution intellectuelle et sociale et son impact sur le Maroc», l’historien Abdul Majid al-Najjar indique que la secte des Akakaza a été influencée par les opinions du fondateur de la dynastie almohade. Son message avait «touché une partie du de la population qui «croyait en lui en tant qu’imam», et adoptait «toutes les opinions qu’il a apportées», estime-t-il.

Sur le site de la Rabita Mohammedia des Oulémas, il est aussi indiqué que «cette secte issue de la doctrine d’Al-Mahdi était connue sous le nom de “Akakaza” ou “secte Toumartie”». «Elle avait continué d’exister jusqu’à l’ère d’Abu Abdullah Muhammad ibn al-Hasan al-Majassi (mort en 1691) et Hassan El Youssi (morts en 1699)», ajoute la même source.

Une secte qui considérait Ahmed bin Abdullah Al Manzoul comme «prophète»

L’historien Abdul Majid al-Najjar a expliqué que cette secte était présente «dans la zone entre Fès et Marrakech». Ses adeptes «étaient en tension constante avec le climat social qui les entourait. Au milieu de cette tension, ils n’avaient pas perdu cette détermination qu’Ibn Toumert avait insufflée à ses disciples», ajoute-t-il. Ainsi, au lieu de sombrer dans le «désespoir» et la «soumission», après la chute des Almohades, les Akakaza choisiront plutôt de vivre «dans un état de conflit avec la société qui les rejette, dans laquelle ils ont cherché à prouver leur existence et à assurer leur continuité».

Concernant leurs croyances, le chercheur Abdellah Najmi explique, dans son livre «Soufisme et hérésie au Maroc, la secte Akakaza aux XVIe-XVIIe siècles», que les adeptes se distinguaient par «l’exagération dans l’amour d’Ahmed bin Abdullah Al Manzoul», allant même jusqu’à l’associer à la «prophétie». Ses disciples le considéraient comme un «prophète», lui attribuaient des «décisions» et le considéraient comme «législateur».

En outre, les adeptes de la secte préféraient même Ahmed bin Abdullah Al Manzoul au prophète Mohammed. «Les Youssoufiyines préféraient leur prophète au Messager (de Dieu) qu’ils ont désavoué, ont déclaré leur haine pour lui et ont osé l’insulter et le diffamer», rapporte le chercheur. Leur «amour excessif envers leur prophète» atteindra un degré tel qu’«ils recherchèrent son approbation et avertirent de sa colère, comme s’il était un dieu», explique le même récit.

Abdellah Najmi indique aussi que les adeptes de cette secte «attribuaient à leur cheikh une déclaration : “Faites ce que vous voudrez de désobéissance, car je vous ai tolérés.”» Il leur aurait même dit qu’ils étaient «libérés des cinq prières et du jeûne». Les Akakaza refusaient aussi le sacrifice, préféraient la charogne, la viande avariée et le porc et étaient pour le fait de «tuer des musulmans et piller leur argent». Le même ouvrage ajoute que les Youssoufiyines «partageaient leurs femmes».

«Ils se regroupaient, des hommes et des femmes, battaient le tambourin et pleuraient en psalmodiant des expressions utilisées entre eux dans leur religion. Lorsqu’ils voulaient dormir, après cela, pendant qu’ils étaient ensemble, ils ordonnaient d’éteindre les lampes et chacun d’eux faisait ce qu’il voulait avec les femmes parmi eux.»

Extrait de «Soufisme et hérésie au Maroc, la secte Akakaza aux XVIe-XVIIe siècles»

Illustration. / DRIllustration. / DRIllustration. / DR

Une secte combattue par Moulay Rachid et Moulay Ismail

A cette époque, plusieurs dictons étaient attribués aux Akakaza. L’ouvrage cite : «Une femme est comme un tapis, prie et donne à ton frère pour prier» ou encore «personne n’aime jusqu’à ce qu’il aime pour son frère ce qu’il aime pour lui-même, y compris sa femme». La même source poursuit que «les Youssoufiyines ne se livraient pas à la débauche simplement parce que c’était permis, mais l’utilisaient plutôt pour se repentir» car elle était «l’un des plus grands actes de culte». Elle confirme aussi que «leurs cheikhs leurs ordonnaient de leur amener leurs femmes» alors que leurs enseignements stipulaient qu’il «n’est pas permis à une femme de dire non sauf à son père et son fils» alors qu’elle pouvait avoir des relations sexuelles avec les autres, même si elle était mariée.

Le livre rapporte aussi que les membres de la secte avaient l’habitude d’accomplir un rituel étrange un jour par an. Ainsi, lorsque la récolte en été se termine, ils organisaient une «Lila» où femmes et hommes entrent dans une grotte, éteignent les lumières et s’adonnent à des orgies.

Les nouvelles sur cette secte s’étaient tellement répandues que ses rangs n’avaient cessé d’accueillir de nouveaux membres, alors qu’elle «autorisait le sexe et le rendait licite et permettait à ses adeptes de ne pas prier ou jeûner». Des nouvelles qui, en 1671, étaient arrivées jusqu’aux oreilles du sultan Moulay Rachid Ben Ali Cherif, l’actuel fondateur de la dynastie alaouite.

Le site de la Rabita Mohammedia des Oulémas indique que les érudits «étaient partagés» à l’époque sur la manière d’éradiquer cette secte. «Certains d’entre eux disent qu’ils sont des hérétiques, et d’autres affirment qu’ils sont des apostats qui doivent se repentir». Le chef de la secte avait alors été arrêté et emprisonné, après quoi il avait affirmé s’être repenti et avait été libéré.

La secte s’était toutefois renforcée après cela. Certaines sources indiquent que ses partisans avaient atteint environ 50 000 personnes, ce qui avait poussé le sultan Moulay Ismail Ben Ali Cherif à leur déclarer la guerre en 1689 pour tuer 63 hommes qu’ils considéraient comme cheikhs. Le sultan alaouite les avait aussi chassés de leurs régions et exilés vers des tribus qui ne suivaient pas «leur foi».

source : https://www.yabiladi.com/articles/details/135536/akakaza-secte-marocaine-considerait-sexe.html

Publié Le 02/01/2023 à 18h51