COS : 20 % des Français victimes d’illectronisme ? 5 juin 2020

Un cinquième des 15 ans et plus serait victime « d’illectronisme » selon les données 2017 de l’Insee 1. L’illectronisme est le pendant de l’illettrisme dans le domaine du numérique : « l’incapacité, pour des raisons matérielles ou le manque de compétences, d’utiliser les ressources et moyens de communication électronique », note l’Insee. Les 15 ans et plus sont 55 millions, cela signifie que 11 millions de personnes seraient touchées par ce qui s’apparente à une forme de pauvreté non monétaire. 28 % auraient de faibles compétences en numérique, 26 % maîtriseraient les compétences de base et 27 % auraient de bonnes compétences.

Le chiffre de l’illectronisme concernant les 15 ans et plus mérite des explications. L’Insee le détermine à partir de l’utilisation d’Internet ou de logiciels dans quatre grands domaines : la recherche d’informations, la communication en ligne, la résolution de problèmes informatiques et l’utilisation de logiciels. Il ne s’agit pas d’une enquête sur les compétences en tant que telles mais sur l’usage : c’est le fait de ne pas utiliser les technologies de l’information qui détermine l’illectronisme. Par exemple, une personne qui ne s’est pas connectée à Internet au cours des trois derniers mois ou qui n’a pas utilisé de logiciel dans l’année est supposée ne pas les maîtriser.

Pratique et compétence sont liées, mais ne sont pas toujours synonymes. Si l’on se sert des nouvelles technologies, c’est bien qu’on les maîtrise (même si on peut imaginer que certains ont été aidés), mais si l’on ne s’en sert pas, ce n’est pas toujours parce qu’on en n’a pas les capacités. Une partie des adultes – certes de plus en plus rare – peut ne pas avoir l’usage des nouvelles technologies. C’est surtout le cas dans les générations les plus anciennes : les plus de 75 ans représentent tout de même 6,5 millions de personnes. Les données de l’Insee montrent d’abord que les inégalités augmentent fortement en fonction de l’âge : 71 % des plus de 75 ans sont touchés par l’illectronisme, mais on ne sait pas dire pour eux ce qui relève de l’incapacité ou du fait de ne pas utiliser ces technologies dont l’utilité n’est pas toujours évidente passé un certain cap. On notera tout de même que 11 % des 45-59 ans sont concernés par l’illectronisme et plus du tiers des 60-74 ans.

Un autre facteur joue : le diplôme. La moitié des personnes sans diplôme sont en situation d’illectronisme et 85 % ont au mieux de faibles compétences. Moins de 5 % ont de bonnes compétences. À l’opposé, 3,3 % des bac+3 sont concernés par l’illectronisme et plus de la moitié ont de bonnes compétences. N’oublions pas qu’en moyenne les générations anciennes sont aussi moins diplômées. Elles ont été bien confrontées aux nouvelles technologies bien plus tardivement dans leur vie. Pour vraiment comprendre l’impact du phénomène il faut démêler les deux effets et raisonner, comme le disent les statisticiens, « toutes choses égales par ailleurs ». Une étude de l’Insee permet de le faire. Elle montre que l’âge joue un rôle massif : si on raisonne toutes choses égales par ailleurs 2, notamment à niveau de diplôme équivalent, le risque d’illectronisme est 8,8 fois plus grand pour les plus de 75 ans. Mais le diplôme a aussi un impact propre : à âge équivalent, les non-diplômés ont un risque quatre fois plus grand d’être concernés.

Le numérique est loin d’être accessible à tous. Même en prenant les précautions nécessaires et en divisant par deux les chiffres de l’Insee pas moins de cinq millions de personnes seraient concernées. Or, les nouvelles technologies de l’information prennent une part croissante dans la société, qu’il s’agisse de communication entre les personnes, d’accès à l’information, à la mobilité (réserver un simple billet de train) voire aux services publics. Ce qui est un énorme progrès pour certains peut se révéler une mise à l’écart pour d’autres. L’illectronisme est devenu une forme de pauvreté inquiétante, notamment chez les plus jeunes. Les 2 % de 15-29 ans touchés par l’illectronisme représentent tout de même plus de 200 000 personnes. Ce qui choque, c’est que l’on fait comme s’il allait de soi que la population dispose de compétences numériques qu’elle n’a pas, ce qui alimente un sentiment de rejet.

 

Notes:

  1. Des données moins détaillées publiées pour l’année 2019 indiquent que ce chiffre se serait réduit à 16,5 % en 2019.
  2. L’étude tient compte de l’âge, du sexe, du niveau de diplôme, du revenu, du type de ménage et de la localisation géographique.
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source : 03/07/20 rapport du COS. Etude de l’INSEE