Joshua Dann a 37 ans. En juillet 2009, sa vie est un naufrage. Toxicomane et malade de l’hépatite C, l’Ontarien décide de s’en sortir. Après quelques clics sur Internet, il tombe sur le site Addiction Enders Canada, qui le renvoie à un numéro sans frais.

Au bout du fil, un agent lui suggère une cure où le taux de réussite serait supérieur à toutes les autres : 76 %. C’est Narconon.

Le père de Joshua accepte de payer le tarif de l’époque : 23 000 $, et voilà que l’Ontarien arrive dans un centre qui, tout de suite, lui apparaît étrange. « Je ne savais absolument pas qu’il s’agissait d’un organisme lié à la scientologie. Je l’ai compris beaucoup plus tard.

« La première semaine, c’est le sevrage. Pour soi-disant vous aider, les intervenants pratiquent ce qu’ils appellent le touch assist. Ils vous touchent du bout du doigt un peu partout pour que vous sentiez votre corps. Je trouvais ça assez bizarre. »

M. Dann sourit ironiquement en évoquant l’exercice du contrôle. « Il faut que tu regardes un objet, un cendrier par exemple, et que tu lui dises en criant : cendrier, vole !

« Déjà, au bout d’une semaine, je trouvais ça complètement ridicule, mais je ne pouvais pas partir. Narconon avait téléphoné à mes parents pour leur dire que si je téléphonais pour me plaindre, c’est que je résistais au traitement. Et, comme ils avaient dépensé près de 25 000 $, je ne voulais pas leur faire de peine.

Les bombes

« Quand j’ai eu terminé mon sevrage, Narconon m’a envoyé voir un médecin dans la région de Montréal. Je ne me sentais pas bien, car on m’avait fait ingurgiter des tonnes de vitamines qu’on appelle les bombes. Le docteur Labonté m’a dit que je ne pouvais pas entrer dans la seconde étape du traitement, qui consiste à passer plusieurs heures par jour dans un sauna. Ils m’ont donc fait travailler dans la cuisine. »

Après quelques semaines, les employés du centre, qui n’avaient pas reçu de salaire depuis quelque temps, ont démissionné en bloc. En conséquence, M. Dann a été chargé d’administrer la cuisine sans être rémunéré.

L’ex-patient a lui aussi porté plainte à la Commission des droits de la personne du Québec, qui a ouvert une enquête. « Je suis allé là pour améliorer mon sort. Ils m’ont utilisé et encore plus endommagé. Quand je suis sorti de là, j’étais en dépression profonde. »

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«J’étais très vulnérable» – Iola Rawnsley

Toxicomane originaire de la Colombie-Britannique, Iola Rawnsley, 32 ans, a abouti chez Narconon Trois-Rivières, en octobre 2009. Elle a déposé une plainte à la Commission des droits de la personne du Québec contre le centre, au début du mois.

Elle arrive chez Narconon à cause d’une vague connaissance de la famille, qui sait qu’elle a de graves problèmes de dépendance à l’héroïne, la contacte par Facebook et lui vante le miracle Narconon. « J’étais très vulnérable à l’époque et j’ai accepté. J’ai compris plus tard que ce recruteur faisait une cote de 10 % sur la vente. »

« Comme je souffre d’un syndrome d’anxiété sévère, mon médecin de la Colombie-Britannique m’a prescrit des anti-anxiolytiques. Dès mon arrivée à Narconon, on m’a retiré mes médicaments. »

Louche

Les scientologues ne croient pas en la psychiatrie et sont farouchement opposés à la pharmacopée moderne, contre laquelle ils luttent de différentes manières.

« On m’a amenée voir un médecin à Montréal et j’ai trouvé ça louche. N’y a-t-il pas assez de médecins à Trois-Rivières ? Quand je suis arrivée à son cabinet, j’ai compris. Il y avait des affiches de la scientologie sur les murs. Je me suis sentie prise au piège. Je ne pouvais pas partir parce que les gens de Narconon avaient dit à mes parents que si je partais, je ne devais pas revoir mes enfants. »

Iola Rawnsley a fait une rechute après avoir quitté Narconon.

Source : Émilie Dubreuil / Le Journal de Montréal
samedi 03 mars 2012

http://www.journaldemontreal.com/2012/03/02/ils-mont-utilise