MONTRÉAL – Deux collaboratrices de l’émission JE se sont portées volontaires pour infiltrer l’Église de Scientologie de Montréal. L’une d’entre elles décrit son expérience : Les cultes religieux m’ont toujours intriguée. Quand l’équipe de JE a décidé de réaliser un reportage sur l’Église de Scientologie, l’idée de l’infiltrer avec une caméra cachée m’a toute de suite plu. En fait, cette mission était taillée sur mesure pour moi. C’est comme ça que nous sommes entrées, ma collègue et moi, dans l’univers scientologue.

Ce qui nous a frappées le plus, lorsqu’on visite l’établissement de la rue Papineau à Montréal pour la première fois, c’est la chaleur humaine. On est tout de suite accueillis à bras ouverts et la bonne humeur des scientologues est contagieuse. Mais cette bonne humeur est tout sauf gratuite.

Quelques minutes suffisent pour être happées dans ce qui ressemble à une vaste info-pub. Vidéo d’introduction, test de personnalité, cours de croissance personnelle, livres, tout ça dans un seul et unique but : faire du fric. Parce que, de mon point de vue, c’est ça la philosophie de l’Église de Scientologie; aller chercher votre argent en vous promettant une vie meilleure.

Notre choix s’est arrêté sur un des cours pour débutants, « Réussir par la communication ». Ce cours nous permet de nous introduire dans l’académie, la salle de cours de l’église et de filmer les autres étudiants à leur insu.

Eux aussi sont en train de vaquer à leurs exercices comme toucher des objets, représenter divers événements avec de la pâte à modeler ou encore écouter la parole de L. Ron Hubbard en audio conférence. Après une série d’exercices qui m’apparaît aussi farfelue qu’inutile, nous voilà nouvellement diplômées du cours et membres de l’Église pour six mois ! Coût du cours : 65 $

Nous décidons ensuite d’aller plus loin et nous nous inscrivons au séminaire de Dianétique, une fin de semaine intensive d’apprentissage de l’audition. Une technique qui nous fait revivre des moments difficiles de notre vie et ressentir des émotions douloureuses.

Un exercice éreintant de 24 heures, assises sur une chaise droite et sous la surveillance constante de notre superviseur. Une séance que nous filmons avec la caméra cachée. Nous sommes particulièrement touchées par une jeune fille d’une dizaine d’années qui raconte des histoires en pleurant et qui a l’air projetée dans cet univers bien malgré elle. Coût de la formation : 125 $

Nous avons ensuite participé à une collecte de fonds de l’Église, qui visait à financer les rénovations de leur nouveau centre, l’ancien édifice de « La Patrie », au centre-ville de Montréal. Un « event », en langage scientologue, où les discours patriotiques et les saluts au fondateur côtoient les appels aux dons.

L’ambiance est surchauffée et le maître de cérémonie réussit à soutirer 17 000 $ de la cinquantaine de membres présents, certains avec leurs enfants. On nous demande de donner 1000 $, rien de moins ! En tant que nouvelles membres, nous sommes le centre d’attention.

Filmer des images sans nous faire prendre est périlleux. Lors de la soirée, deux personnes nous incitent fortement à passer au niveau suivant, le parcours de purification. C’est une étape cruciale pour un scientologue, qui en plus de le purifier, le soulagera de 1500 $.

La nébuleuse scientologue étend son influence au Québec

MONTRÉAL – Le système d’administration développé par L. Ron Hubbard s’appelle WISE, World Institute of Scientology Enterprises. Et pour le principal expert en scientologie au Canada, le professeur Stephen A. Kent, de l’Université d’Alberta, scientologie et WISE ne font qu’un. WISE n’est d’ailleurs à son avis qu’une partie de la nébuleuse scientologue. WISE (gens d’affaires), Narconon (lutte contre la toxicomanie), Criminon (lutte contre la criminalité), la Commission des Citoyens pour les droits de l’Homme (antipsychiatrie) Applied Scholastics (éducation), toutes ces organisations défendent et font la promotion des idées du mouvement, tout en se prétendant indépendantes de l’Église. « Ces programmes, explique le professeur Kent, et WISE en est un bon exemple, représentent pour la scientologie une façon de faire pénétrer ses soi-disant techniques dans la communauté d’affaires. L’objectif c’est de faire passer les manières et les idées de la scientologie. Les questions morales et la façon de s’occuper des critiques suivront. » Faut-il revoir le statut de la scientologie au Canada? L’Église de Scientologie bénéficie d’une exemption de taxes municipales grâce au statut de corporation religieuse que lui accorde le Québec. Le Canada lui reconnaît le titre d’organisme sans but lucratif. De plus, Narconon, qui traite les toxicomanes avec les méthodes de Hubbard, a le statut d’organisme de charité. Les dons deviennent donc en partie déductibles d’impôt. L’Église de Scientologie a refusé la demande d’entrevue de l’émission JE. Dans un courriel, un porte-parole explique que son mouvement répond aux critères et que « la décision prise par le gouvernement du Québec en 1993 de reconnaître la scientologie en tant que religion n’est donc pas matière à controverse ». Au moins un politicien ne partage pas cet avis. La sénatrice Céline Hervieux-Payette se demande bien comment un mouvement déjà condamné pour escroquerie en bande organisée en France et pour abus de confiance en Ontario en 1992 a pu, un an plus tard, obtenir le statut de corporation religieuse au Québec. « En Ontario, ils ont fait une enquête en profondeur pour découvrir qu’ils avaient infiltré différents ministères et la GRC. » La sénatrice se dit « atterrée » de voir qu’une organisation comme l’Église de scientologie bénéficie d’un tel traitement.

Agence QMI
26/02/2011

http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/archives/2011/02/20110226-150348.html