Que risquent les enfants qui surfent sur Internet ? Se faire piéger par des prédateurs sexuels comme ce fût le cas, récemment, d’une adolescente de 12 ans se rendant au rendez-vous de celui avec qui elle avait innocemment ” chatté ” sur des sites de discussion. Cet homme de 35 ans, prétendant en avoir 25, était connu de la justice pour des faits de corruption de mineurs et de détention d’images pédo-pornographiques.

{{Des enfants trop exposés}}

Les enfants ne sont à l’abri de rien sur Internet, tantôt spectateurs de scènes et d’images pédo-pornographiques, tantôt objets sexuels manipulables à merci. ” Environ 600.000 images pédophiles ont été répertoriées à l’occasion de perquisitions informatiques ou dans le cadre de veilles sur Internet, indique Frédéric Malon, Chef de l’Office Central de répression des violences aux personnes. En fait, compte tenu du chiffre noir, on s’approche plutôt des 2 millions “. Interpol vient à nouveau de lancer un avis de recherche à l’encontre d’un pédophile qui a diffusé sur son site Internet des images le mettant en scène avec des enfants. Le dernier appel à témoins lancé par l’organisation internationale de police criminelle avait abouti à l’arrestation, en Thaïlande, d’un pédophile canadien qui avait diffusé des clichés brouillés de son image.
Depuis 2002, date de mise en place de la base Interpol, environ 650 victimes ont été identifiées dans le monde, dont 43 en France. ” Internet est, au travers des blogs, des messageries instantanées ou du peer-to-peer, un véritable vivier pour les pédophiles, explique Guillaume Hezard, commissaire de police à la Brigade de protection des mineurs. Pour harponner leur proie, les prédateurs se font passer pour des mineurs. Puis ils se dévoilent peu à peu et, une fois le dialogue installé, ils récupèrent des informations de plus en plus intimes qu’ils utilisent ensuite, par exemple pour faire du chantage à la photo “.

46% des enfants se font des amis sur Internet et 20% d’entre eux reconnaissent faire des choses en ligne que leurs parents n’approuveraient pas (étude Symantec Harris Interactive février 2008). Plus de 36% des 11-17 ans indiquent avoir déjà été confrontés au moins une fois à des informations ou des images choquantes ou traumatisantes lors de leur navigation sur la Toile (DIF 2007). 41% des enfants de 12 à 15 ans gèrent un blog et 47% des 12-17 ans utilisent le blog comme moyen de communication. C’est vers l’âge de 16 ans que les jeunes vont le plus sur MSN puisqu’ils sont 80% à l’utiliser régulièrement à cet âge (étude TNS Media Intelligence novembre 2007).

{{Des parents peu concernés}}

L’autonomie accordée aux enfants dans l’utilisation de leur ordinateur est un véritable problème. 72% des parents laissent leurs enfants accéder seuls à Internet (étude Ciem septembre 2007) et, parmi les 85% de parents informés de l’existence des logiciels de contrôle parental, seuls 28% en ont installé un sur l’ordinateur familial (Médiamétrie octobre 2007). Donc, près de 3 fois sur 4, un jeune surfe sur Internet sans protection (baromète Credoc juin 2007)

Nadine Morano, Secrétaire d’Etat chargée de la Famille a fait de la lutte contre la pédopornographie l’une de ses priorités en prenant la présidence du “Comité de suivi de protection de l’enfance sur Internet”. Elle rencontrera prochainement les fournisseurs d’accès à Internet afin de mettre en place une “démarche d’information commune obligatoire” à l’intention des parents.

{{La réponse technique : le filtrage des contenus à risque}}

Les logiciels de contrôle parental mis en place par les fournisseurs d’accès à Internet sont périodiquement sondés par des associations de protection de l’enfance, notamment Action Innocence (système FILTRA) et E-enfance qui se charge des tests de qualité en partenariat avec le Ministère de la famille et la Délégation aux Usages de l’Internet. En 2008, on note une amélioration globale du filtrage par rapport à l’année dernière. ” Ce qui pêche, c’est d’une part l’accessibilité facile aux ” chats ” et forums par les enfants de moins de 10 ans, et d’autre part, le fait que {{certains contenus relatifs aux sectes}}, et à la violence et à la drogue soient encore accessibles “, regrette Christine Du Fretay, présidente de l’association. Quant au contrôle parental proposé par les opérateurs de téléphonie mobile, il ne donne pas encore entière satisfaction.

{{La réponse policière : l’infiltration des réseaux}}

Les enquêteurs vont bientôt pouvoir infiltrer le réseau de façon anonyme en se faisant passer tantôt pour un mineur, tantôt pour un pédophile. L’objectif est de piéger les prédateurs qui nouent des échanges avec les adolescents. L’enquêteur se déguisera par exemple en jeune fille et répondra aux propositions d’un pervers sur un ” chat “. ” Cela nous permettra d’identifier les auteurs et de lancer des procédure judiciaires “, précise Guillaume Hezard. Un arrêté interministériel attendu avant l’été désignera les services et personnes habilitées à investiguer. La Cour de cassation veille à ce que ces nouveaux moyens d’enquête ne tournent à la provocation et, sous couvert d’investigation, ne recouvrent des incitations à commettre des infractions.

{{La réponse judiciaire : une répression plus ciblée}}

Le fait de diffuser des messages à caractère violent ou pornographique susceptibles d’êtres vus par des mineurs est puni de 3 ans de prison ou 75000 euros d’amende.

La loi punit également lourdement les sites qui diffusent des images d’enfants impliquées dans des scènes pornographiques . ” Le fait de réunir des mineurs pour les faire adopter devant une caméra, ou un appareil de prise de vues des poses pornographiques ou obscènes, constitue le délit de corruption de mineurs “, a jugé la Cour de cassation (1er mars 2006). Ce délit est puni de 7 ans de prison ou 100.000 euros d’amende si le mineur est âgé de moins de 15 ans.

Par ailleurs, la loi du 5 mars 2007 a créé un ” délit de propositions sexuelles faites par un majeur à un mineur de 15 ans ou à une personne se présentant comme telle ” – un enquêteur déguisé en mineur par exemple. Le fait de formuler par email ou par SMS de telles propositions est puni de 2 ans de prison ou 30.000 euros d’amende. Si la proposition est suivie d’une rencontre, l’auteur encourt 5 ans ou 75000 euros d’amende (Articles 227-22 et suivants du Code pénal).

Enfin, la détention d’images pédo-pornographie est punie en tant que telle, de même que, depuis la loi de mars 2007, la consultation habituelle de services en mettant en ligne des images de ce type (2 ans ou 30000 euros). ” Il s’agit de la majorité des affaires portées devant le tribunal, indique François Sottet, vice procureur au parquet des mineurs de Paris. Les auteurs sont le plus souvent repérés par les services de veille de la police et par les fournisseurs d’accès à Internet “. Quant aux pervers qui recrutent leurs proies sur des forums dédiés aux adolescents en les invitant, notamment, à se déshabiller devant une webcam, ils sont plus rarement convoqués à la barre du tribunal. Leur interpellation nécessite, en effet, que l’enfant ou ses parents portent plainte contre eux.

Le Point

09/05/08