Mardi dernier, je me suis fait de nouveaux amis. Depuis, ces nouveaux amis ont crû et se sont multipliés sur Internet, et maintenant, j’ai plein de nouveaux nouveaux amis au Canada, en Espagne, en Belgique, en Italie et dans tout le monde international, voire, si j’ai bien compris, dans tout l’univers universel.
Ces ami(e)s ont de jolis noms: Princess Loona, Ezael, Kinbangu Piffer, Raemilienne, et Elohim bien sûr… exotiques par nature, puisqu’ils ont été baptisés par de petits hommes verts descendus des étoiles, c’est ce qui les rend si sympatoches.

Ces nouveaux amis sont venus {{devant L’Express}} manifester leur affection en une masse compacte d’une bonne vingtaine d’adeptes après un édito fâché de Christophe sur cette décision invraisemblable de la Cour européenne des droits de l’homme qui oblige l’Etat français à aligner désormais sur celui des cultes le droit fiscal des sectes et à signer à trois d’entre elles un gros chèque de 4 millions d’euros. Les sectes: la scientologie, le Mandarom, Moon, Salaûn, les témoins de Jehovah…

{{Et Rael. Et les Raëliens.}}
C’est une de leurs distractions favorites, aux Raëliens, petit plaisir qu’ils partagent d’ailleurs avec leurs confrères et néanmoins concurrents: ils adorent poser en martyrs, en Saint-Sébastien, en Capitaine Dreyfus, en Jean Moulin, en Dieudonné Mbala Mbala, en Jean-Marie Bigard. La Mivilude dénonce leurs dérives sectaires? C’est la nouvelle Gestapo. Le fisc considère qu’une secte est une secte et pas une religion qui s’est vautrée? Nous voilà revenus au bon temps des Staliniens. Christophe Barbier s’indigne de l’absurdité du droit européen, « aussi souple avec les sectes qu’il est tatillon avec les citoyens »? Bonjour Fouquier-Tinville, Ponce Pilate, Goebbels, Vychinski. Ils osent tout, les Raëliens, c’est en partie à ça qu’on les reconnaît.

{{Bref}}.

Quand ils se sont agglutinés en une masse compacte d’une bonne vingtaine d’adeptes devant L’Express, mon sang de journaliste n’a fait qu’un tour. « Allons voir à quoi ils ressemblent ces chevaliers blancs des libertés fondamentales », me suis-je dit in-petto – et out-petto aussi. Et de descendre derechef, armé de mon smart-phone à 4 millions de pixel et d’une chouette promesse de franche rigolade… qui s’est mué en franche exaspération quand j’ai vu, cousu sur le revers de ces Anges Gabriel, une étoile jaune. Vous savez, cette même étoile jaune que les nazis forçaient les juifs à arborer avant de les envoyer mourir dans les camps – que je sache, aucun Raëlien n’a jamais été menacé, même de très, très, très loin, même métaphoriquement, même dans ses rêves les plus fous, de finir dans aucun camp de concentration, reprenez-moi si je me trompe.

Je vous épargne le détail de la petite échauffourée qui a suivi ma séance de photo, sinon pour préciser que mon téléphone et mes lunettes ont fini par terre avant que, en réaction instinctive, ma main ne parte inopinément gifler le responsable de la chute, « le Guide raëlien et leader du Mouvement raëlien en France » ai-je appris entre-temps – je ne fais pas dans le sous-fifre.

C’était très con, exactement ce que ces champions de la provo étaient venus chercher et, je ne dis pas ça pour la galerie, j’aurais mieux fait, comme souvent, de prendre le temps de me calmer avant de penser à réfléchir. Exactement ce que m’ont suggéré les deux policiers chargés du service d’ordre, qui nous ont séparés, m’ont expliqué la vie et ont convaincu le big boss meurtri (!) de renoncer à porter plainte – je l’aurais fait aussi, naturellement, porter plainte. En échange, j’ai dû présenter mes excuses, ça n’a pas été le moment le plus agréable de la journée. Les deux policiers n’ont bien sûr pas eu à me « ceinturer » pour mettre fin à un accès « d’agressivité inouïe », pas plus que je n’ai donné de « coup de poing ». Je suis tellement mauvais en bagarre de rue que je n’ai sans doute même pas effleuré ma « victime ».

Evidemment, ce qui devait advenir advint, mes nouveaux amis ont fait leur tambouille numérique, ils s’indignent chez eux et ailleurs, je suis noyé sous les mails et Facebook en frissonne d’indignation. Même mon ami F de Souche en a fait un tweet, me caricaturant en bourreau de la liberté d’expression.

L’hôpital qui se fout à ce point de la charité, ça peut faire mourir de rire. Ou de consternation.

PS qui a tout à voir: je n’ai pas fait ce post pour ouvrir une tribune aux allumés. Et serai comme d’habitude impitoyable avec ceux que cet avertissement n’aurait pas refroidi.

PS qui a tout à voir: nous sommes lundi, et en quelques jours j’ai reçu une bonne centaine d’e-mails, adressés à moi et/ou à Christophe, nous demandant des excuses. La bonne blague!

source : L’expresse .fr
le 22 février 2013 17H52 | par Eric Mettout
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