Stéphanie Martin
Le Soleil
Québec
Claudine, ce n’est pas son vrai nom. Même plusieurs années après être sortie du groupe, elle ne veut pas être identifiée. Elle refuse aussi que la secte soit nommée, car certains membres de sa famille en font toujours partie, dont ses parents.
Du jour au lendemain, la petite fille et ses neuf frères et sœurs se sont vu imposer un mode de vie ultrarigide basé sur des principes religieux. Modestie absolue pour les femmes — ce qui implique une entière soumission aux hommes —, code vestimentaire très strict, participation obligatoire à des messes, des prières et des congrès, pèlerinages pour assister aux apparitions de la Vierge.
Progressivement, les enfants ont été coupés du reste de leur famille, puis du monde en général. Chez eux, la télévision était interdite, car elle était considérée comme un objet démoniaque. La peur de l’Apocalypse hantait leur quotidien.
Claudine a eu la chance d’aller à l’école. Mais ce n’était pas le cas de la plupart des enfants des adeptes. Sur recommandation des grands pontifes du groupe religieux, on leur enseignait à la maison. «Mais il n’y avait aucun encadrement, aucun manuel scolaire fourni. Ça faisait des enfants asociaux, qui n’avaient pas de scolarité, des illettrés», raconte Claudine.
Pour elle, les années scolaires ont été difficiles. La petite, affublée de vêtements «différents», essuyait constamment les moqueries. «J’ai beaucoup souffert de cela. De devoir lutter contre le ridicule.»
Mais le pire, c’était l’atmosphère invivable à la maison. Soumise au contrôle et aux pressions extrêmes de la secte, la mère est devenue violente. Les dirigeants exigeaient des parents une sévérité malsaine. «Quand ma mère revenait d’une rencontre avec la directrice, on en mangeait une, dit Claudine. On était bombardés par notre mère.» Un jour, elle a failli mourir, étranglée par celle qui lui a donné la vie.
Excédée, Claudine a fui la maison familiale à 17 ans pour devenir de son propre gré bénévole… à la maison-mère de la secte. Elle y a passé 12 ans, jusqu’à se rendre malade. Puis, elle a trouvé la force d’en sortir, et de se lancer tête première dans ce monde qu’elle croyait peuplé de forces sataniques. «Je me suis sentie perdue. Je ne pensais jamais être capable d’intégrer le monde.» Pourtant, elle y est parvenue. Au prix d’un divorce et de nombreuses thérapies, qui l’ont aidée à faire la paix avec son passé.
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04 mai 2008