Bien-être, santé, religion. Dans ces domaines, de plus en plus de gourous s’improvisent guides ou thérapeutes au sein de petites structures locales, bien loin des sectes d’ordre mondial comme l’Eglise de Scientologie. Vigie de ces mouvements parfois très dangereux, la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), rend ce jeudi matin son rapport annuel à Jean-Marc Ayrault.
Le rapport, qui aborde notamment les sectes en entreprise et celles dans le monde de la santé, consacre également une partie aux personnes vulnérables aux risques sectaires, rendues fragiles par leur situation professionnelle, financière, personnelle mais aussi parfois parce qu’elles ne sont que des enfants.
Ce fut le cas de Magalie. Cette belle jeune femme de 31 ans parle aujourd’hui de sa mère comme d’une étrangère, qu’elle nomme par son prénom, Eliane. « Je ne peux plus me considérer comme sa fille. Ce qu’elle a fait est impardonnable », confie-t-elle d’une voix tranchée à BFMTV.com.
« Plus de 200 en pleine forêt la nuit »
Magalie a 15 ans lorsqu’un beau soir de 1996, en pleine forêt, sa mère dit voir la Sainte Vierge. Eliane affirme que l’apparition lui exige de revenir chaque 15 du mois, à 00h06 précises, dans les bois de Plombières-lès-Dijon en Côte-d’Or, pour la voir. « La Petite Servante », comme elle se surnomme, va s’exécuter sans faillir les années qui suivent.
D’abord accompagnée par ses proches, Eliane finit par rassembler à chaque fois plus de monde. « On était parfois jusqu’à plus de 200, en pleine nuit, à attendre qu’elle ait son « apparition », qui lui transmettait des messages religieux. Les gens venaient même en car de l’étranger pour y assister », se souvient Magali.
La mère fonde une communauté dans sa maison, où elle accueille les gens qui « l’adulent », moyennant une rétribution financière. « Mes frères et moi n’avions plus de chambre. On dormait sur un matelas, à plusieurs dans une pièce, on vivait les uns sur les autres », se rappelle Magalie, qui devait à sa mère « une obéissance permanente », et qui dès l’âge de 16 ans lui versait tout son maigre salaire de serveuse.
Un groupe de prières aux mœurs étranges
Quelques années passent, et le mouvement prend de l’ampleur. Il porte alors un nom: « Amour et miséricorde », Eliane à sa tête. Devant la justice, qui vient la voir à plusieurs reprises, elle parle d’une communauté « amicale », d’un « refuge » pour des gens parfois un peu seuls, à qui elle « offre » le gîte et le couvert. Mais la réalité est bien pire pour Magalie, qui est convaincue qu’elle est une véritable gourou.
Elle n’est pas la seule: la Miviludes a également le groupe de prières dans son collimateur depuis que de nombreux témoignages de proches de membres ou d’anciens sympathisants ont fait état notamment « d’humiliations, de ruptures violentes avec le cercle familial, et de demandes financières exorbitantes. »
« C’est difficile d’assumer que je suis une victime »
C’est à 24 ans que Magalie, elle, a pu échapper à « l’emprise » d’Eliane, alors que celle-ci lui demandait de choisir entre son mari et elle. Magali a fait son choix, et vit aujourd’hui toujours avec son époux et leurs cinq enfants.
Pourtant, elle reste encore hantée par son passé: « Parfois je me réveille, et je me dis que je suis une mauvaise fille, que je n’aurais jamais dû briser tous ces liens. Mon frère et mes sœurs vivent toujours avec elle et refusent de me parler. Alors oui, parfois, c’est difficile d’assumer que je suis victime et non coupable. »
Suite aux dépôts de nombreuses plaintes, un juge d’instruction a été saisi de l’affaire, et les gendarmes de Dijon enquêtent depuis plus d’un an sur Amour et Miséricorde. Mais pour le moment, hormis une garde à vue, Eliane n’a pas été inquiétée par la justice, et continue de « voir » chaque mois la Vierge.
source : BFMTV