Dans un entretien avec l’AFP, Jean-Paul Willaime, professeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à Paris, évoque « l’unité des protestants au-delà de la diversité des protestantismes ».
Car le paysage a changé, comme on le constate à la lecture de « La nouvelle France protestante », somme rédigée par vingt-deux chercheurs qu’il a co-dirigée avec Sébastien Fath, chercheur au Centre national de la recherche scientifique.
« Les deux grands aspects de cette reconfiguration sont l’importance prise par le protestantisme évangélique et pentecôtiste, mais aussi par les Eglises issues de l’immigration, avec leur expression africaine, antillaise et asiatique ».
« Encore faut-il distinguer, sous le vocable +protestantisme évangélique+, les églises piétistes orthodoxes, plus centrées sur l’orthodoxie de croyances et une orthopraxie de comportements, et les pentecôtistes-charismatiques, plus effervescents, qui insistent sur l’intervention de l’Esprit ».
« Ces deux composantes, précise Jean-Paul Willaime, mettent l’accent sur la conversion personnelle, sur une transformation ici et maintenant de sa vie quotidienne, sur une expérience forte montrant qu’il y a un avant et un après ».
En d’autres termes ce sont les « Born again », déclarant avoir rencontré Jésus, qui composent plus d’un tiers du nombre total des 1,7 million de protestants en France (départements d’Outre-mer compris), soit 3% de la population.
Autre « recomposition dans la recomposition »: la formation à l’horizon 2013 d’une Eglise protestante unie, rapprochant l’Eglise luthérienne et l’Eglise réformée de France.
« Mais qu’ils soient luthéro-réformés ou évangéliques, les protestants ont une façon commune d’affirmer la foi chrétienne, souligne Jean-Paul Willaime, de se reporter à la Bible, qu’ils en aient une lecture plus ou moins littérale ».
« Leur point commun, c’est cet engagement, cette démarche personnelle de relation avec Dieu qui incite aussi à un engagement social, ce que j’appelle un +associationnisme protestant+ et qui est la dimension éthique ».
« Une bonne foi, aux yeux d’un protestant, se reconnaît à ses oeuvres, à la conscience vive de ses devoirs, à sa sensibilité à la misère de l’autre ».
Restent des divergences profondes.
« Ainsi, le style charismatique et pentecôtiste, où la religiosité est très centrée sur le vécu, sur le fait que Dieu agit ici et maintenant, sur la croyance en sa capacité de briser les causalités d’une maladie grave par un miracle, ce style est loin de faire l’unanimité ».
« Les luthéro-réformés et une partie des évangéliques sont en effet bien plus attachés à l’aspect réflexif, à une approche critique ». Moins magique, en somme.
Autre clivage: l’oecuménisme et l’éthique sexuelle et familiale.
« Le schéma se complique, note Jean-Paul Willaime. Les luthéro-réformés, favorables à l’oecuménisme catholico-protestant, sont très différents dans leurs positions éthiques sexuelles, familiales, par rapport au magistère catholique. Ainsi, l’éthique de la responsabilité prime sur l’interdit, en matière d’IVG ».
« A l’inverse, il y a un oecuménisme de l’intransigeance sexuelle et familiale que partagent catholiques et évangéliques… alors que les évangéliques sont moins oecuméniques par rapport à l’église catholique ».
Source : AFP Par Annick BENOIST
A lire pour s’y retrouver: « La nouvelle France protestante » (Ed. Labor et Fides) !