Pourquoi les Etats-Unis sont-ils, de tous les pays « développés », la nation la plus religieuse ? Cette question a intrigué Alain Besançon, intellectuel de haut vol, qui tente d’y répondre dans un petit essai très actuel qui mérite de retenir l’attention.
Mais ni les sacrements (sauf le baptême et la Cène), ni la messe, ni les dogmes qui donnent son contenu à la Foi, ni le Pape qui garantit celle-ci et à qui il faut obéir. Le protestantisme ne postule essentiellement que deux principes : celui, « formel », de l’autorité souveraine de la Bible, et celui, « matériel », de la justification par la grâce (ou la foi).
Pour y voir plus clair, Alain Besançon remonte aux Pères de l’Eglise qui ont conféré à l’enseignement du Christ une armature et une élucidation intellectuelles inspirées par la philosophie de Platon et d’Aristote dont ils étaient nourris. Ne trouvant pas dans le savoir théologique de quoi éteindre sa peur de l’Enfer, Luther proclama que la Foi suffisait à assurer le salut. D’autres réformateurs s’engouffrèrent dans la voie ainsi ouverte. Un jour, un groupe de calvinistes anglais, estimant que l’anglicanisme était resté trop catholique, décida de s’exiler : en 1620, une poignée de « Puritains » s’embarqua sur le « Mayflower » pour l’Amérique…
Le calvinisme propose une doctrine profondément individuelle, éminemment compatible avec un système démocratique. Tocqueville le nota : « En Amérique, la religion s’est pour ainsi dire posée elle-même ses limites ». De fait, la Constitution de 1797 stipule : « Le Congrès ne pourra faire aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice ». Cette complète séparation favorisera l’installation des religions catholique, juive, etc.
Depuis quelques années, un nouveau mouvement gagne du terrain : le mouvement « évangélique ». Il repose sur le plus petit commun dénominateur : autorité suprême de la Bible, salut par Jésus, transformation morale. Sa figure de proue fut longtemps Billy Graham (1918-2012), prédicateur volontiers simple et populaire, que Reagan, Nixon, Bush, Clinton écoutaient religieusement.
Au cœur de l’évangélisme, se trouve la Mission qui vise à « christianiser le monde ». Elle réussit brillamment en Amérique latine, même au Brésil, le plus grand pays catholique de la planète; en Corée, la mission coréenne a pris le relais de l’américaine et s’est attaquée à la Chine; en Afrique, elle gagne rapidement du terrain (et parmi les Africains de Bruxelles, ajouterons-nous); elle pénètre l’Eglise d’Angleterre; elle infiltre les manières d’être et de prier des catholiques.
Parallèlement, dans un monde où, depuis les années 60, toutes les formes d’autorité ont été ébranlées (famille, université, entreprise, armée, etc.), une religion « humanitaire » se répand aujourd’hui. Elle englobe des éléments chrétiens, mais en leur donnant un sens différent. Elle affirme l’égalité de tous les hommes et ne cesse d’allonger la liste de leurs droits. Relativiste, elle considère que toutes les religions se valent en dignité et peuvent assurer le salut de leurs adeptes. Enfin, cette « religion » est pacifiste et compassionnelle.
Toutes les anciennes religions chrétiennes sont noyées dans cette nouvelle religion, tandis que tout l’ancien christianisme fait l’objet de la moquerie ou de l’indignation. Avec celui de l’Islam, c’est sans doute le plus grand défi auquel l’Eglise catholique doit faire face.
Jacques Franck
source :http://www.lalibre.be/culture/livres/l-amerique-protestante-bouge-51da347c35708f4775a06447
Franck Jacques Publié le lundi 08 juillet 2013 à 05h39 – Mis à jour le lundi 08 juillet 2013 à 14h17
Livres Alain Besançon voit une religion « humanitaire » infiltrer le monde chrétien.
Le Protestantisme américain Alain Besançon Ed. de Fallois 240 pp.,env. 19 €