Une école qui détonne

«On ne peut pas enseigner de la philosophie du 20e siècle au 21e», résume Gérald Boutin, professeur au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal.
«C’est un courant passablement critiqué. Il y a très peu d’études qui ont été faites sur la valeur de cette pédagogie. Je ne crois pas qu’elle prépare bien l’enfant à la société actuelle. Cette façon de penser qu’il faut passer par le spirituel pour atteindre la connaissance n’a pas sa place à l’école publique.»

Esprit critique
Actuellement, plusieurs garderies appliquent la pédagogie Waldorf ainsi que quelques écoles privées. La Roselière est officiellement la seule école publique primaire à avoir adopté ce mouvement.

«L’école doit aider l’enfant à développer son esprit critique. On ne peut pas enseigner une seule vision du monde aux enfants. Il n’y a aucun compromis à faire là-dessus», croit aussi Nancy Bouchard, directrice du Groupe de recherche sur l’éducation éthique et l’éthique en éducation.

Une école publique de la Rive-Sud de Montréal se distingue des autres par ses méthodes pédagogiques controversées. Au
programme : «thérapie du mouvement», tricot, crochet et enseignement axé sur «la pensée, le senti et la volonté».

L’école de la Roselière, à Chambly, est la seule institution primaire publique au Québec à enseigner la pédagogie Waldorf. Inspirée des travaux du philosophe autrichien Rudolf Steiner, réalisés au début du XXe siècle, cette pédagogie vise à faire découvrir «un sens à la vie» aux élèves.

À peine 152 élèves fréquentent cette petite école et chaque enfant demeure dans le même groupe et avec le même enseignant tout au long de son primaire.

Alors que la matinée est réservée aux travaux académiques, l’après-midi est souvent consacré à des travaux manuels visant à «favoriser le développement personnel.»

« Faire le lien avec son corps »

En plus du tricot, du crochet et de la flûte «pentatonique», les enfants sont invités à pratiquer l’eurythmie, un mélange de danse et de musique qui permet de faire «le lien avec son corps», et qui est comparé à une «thérapie corporelle».

Contrairement à une école régulière, les élèves de l’école de la Roselière sont invités à apprendre à leur rythme, pourvu qu’ils respectent en fin de compte le programme du ministère de l’Éducation.

«Il y a de la souplesse, explique la directrice de l’école, Louise Létourneau. Il n’y a rien dans le programme du ministère qui dit que les enfants de première année doivent apprendre à lire avant Noël, par exemple. Ça peut causer un préjudice à l’enfant, s’il est stressé.» Les enfants de première année, eux, apprennent à écrire sur des cartons aussi grands que leur pupitre à la place des cahiers.

«L’idée, c’est d’apprendre à bien écrire, mais pas de savoir écrire sur les petites lignes de cahiers», indique Mme Létourneau.

Séminaire pour les professeurs

Afin de pouvoir enseigner à l’école de la Roselière, tous les enseignants doivent suivre un séminaire sur la pédagogie Waldorf, ce qui décourage plusieurs candidats éventuels, a indiqué au Journal un ex-enseignant de l’établissement.

«Ce qui dérange aussi, c’est le fait qu’il faut attendre que les enfants soient prêts. On ne peut pas les pousser à apprendre quelque chose. Or, il n’y a aucune étude qui a vérifié si les enfants qui sortaient de cette école sont prêts pour l’école secondaire», a-t-il témoigné sous le couvert de l’anonymat. Du côté de l’école de la Roselière, qui existe depuis 1997, on affirme que les taux de réussite se comparent aux écoles traditionnelles.

«Les soupçons sont injustifiés. Les gens qui nous critiquent ne savent pas de quoi ils parlent. C’est du qu’en-dira-t-on. Nos parents sont contents que leur enfant soit ici», affirme Mme Létourneau.

«J’aime que mon enfant ne subisse pas de stress à la rentrée, car il reste dans la même classe. Le prof devient un peu son parent et c’est agréable», renchérit la présidente du conseil d’établissement, Vicky Adam.

Pas de place au public

La pédagogie Waldorf n’a tout simplement pas sa place à l’intérieur du système d’éducation public, croient plusieurs experts en éducation.

«On ne peut pas enseigner de la philosophie du 20e siècle au 21e», résume Gérald Boutin, professeur au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal.

Esprit critique

Actuellement, plusieurs garderies appliquent la pédagogie Waldorf ainsi que quelques écoles privées. La Roselière est officiellement la seule école publique primaire à avoir adopté ce mouvement.

«L’école doit aider l’enfant à développer son esprit critique. On ne peut pas enseigner une seule vision du monde aux enfants. Il n’y a aucun compromis à faire là-dessus», croit aussi Nancy Bouchard, directrice du Groupe de recherche sur l’éducation éthique et l’éthique en éducation.

LA PÉDAGOGIE WALDORF

l’inventeur : rudolf steiner

La pédagogie Waldolf est basée sur les recherches du philosophe autrichien Rudolf Steiner (1861-1925). Selon la Corporation des parents de l’École de la Roselière, cette pédagogie est utilisée dans 800 écoles et 1000 groupes du préscolaire dans le monde.

anthroposophie

C’est la base de la pédagogie Walforf.

Selon cette croyance, l’homme est composé de trois parties, le corps, l’âme et l’esprit, qui doivent être également «nourries».

Comme l’indique l’Institut Pégase, Centre de formation de la pédagogie Waldorf, «il ne s’agit donc pas seulement “d’enseigner” des matières académiques ou des techniques de vie en société, mais bien “d’éduquer”, de favoriser de l’intérieur, une relation intime de son être avec le monde.»

Parmi les outils utilisés : la musique pentatonique (avec flûte à cinq trous), l’eurythmie et références à des contes et légendes pour favoriser l’apprentissage.

«L’homme est un être tripartite composé d’un corps, d’une âme et d’un esprit. Il possède en lui trois facultés psychiques qui ont toutes trois besoin d’être nourries, arrosées, renforcées : ce sont la pensée, le sentiment et la volonté.»

Format

«Il ne s’agit donc pas seulement “d’enseigner” des matières académiques ou des techniques de vie en société, mais bien “d’éduquer”, de favoriser de l’intérieur une relation intime de son être avec le monde.»

Source : Institut pégase et cper
Sarah-Maude Lefebvre

Journal de Montréal,

samedi 27 octobre 2012

http://www.journaldequebec.com/2012/10/27/une-ecole-qui-detonne