Même marginal, le sujet est sensible pour l’Église de France qui cherche à répondre à ces demandes de manière pastorale.

Tout a commencé en 2001. C’est cette année-là que René Lebouvier, alors âgé de 61 ans, écrit à son évêque. Libre-penseur de longue date, élevé dans une famille « très catholique », il veut mettre en conformité son appartenance philosophique à ce courant qui considère l’Église comme « obscurantiste et dogmatique » avec le reste de sa vie. Question de cohérence.

Dans sa lettre, René Lebouvier demande à être « débaptisé » et obtient satisfaction. En marge de son nom, dans les registres paroissiaux et diocésains, qui mentionnent son baptême, est donc apposée la phrase suivante : « a renié son baptême par lettre datée du 31 mai 2001 ».

Mais près de dix ans plus tard, un de ses amis bretons le convainc d’aller plus loin. « Il m’expliquait qu’il était possible de demander que mon nom disparaisse des registres. Alors, j’ai tenté le coup. »

Crainte d’un effet contagion
Un « coup » à l’origine d’un procès l’opposant à l’évêque de Coutances, Mgr Stanislas Lalanne, et dont le premier chapitre vient d’être clos, début octobre, par le tribunal de Coutances, remettant ce dossier sur le devant de la scène.

Les juges normands ont donné raison à René Lebouvier, avant que Mgr Lalanne n’interjette appel, suspendant du même coup cette décision jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par le juge d’appel. Si elle était confirmée, les évêques craignent un effet contagion : déjà, un autre diocèse de France doit faire face à une demande similaire.

Même si toutes ne vont pas aussi loin que celle de René Lebouvier, les demandes de débaptisation concernent tous les diocèses de France. Officiellement, l’épiscopat ne dispose d’aucune statistique pour évaluer précisément ce phénomène.

Un phénomène marginal
Mais une étude menée en 2008 par le journal Le Monde faisait état d’un millier de débaptisations par an, soit une moyenne de dix par an dans chaque diocèse. Comparé aux 310 000 baptêmes célébrés chaque année en France, le phénomène demeure marginal. Mais le sujet reste sensible pour l’Église de France.

À Limoges, on compte quatre demandes depuis le début de l’année. Un chiffre plutôt faible, juge le vicaire général du diocèse, le P. Claude Chartier. « Les demandes arrivent par périodes, constate-t-il. En général, nous voyons arriver trois ou quatre lettres d’un coup lorsque le pape fait une déclaration qui est mal perçue. »

Il peut aussi donner lieu à des campagnes menées par des sectes, comme les Témoins de Jéhovah ou le mouvement raélien. Depuis la visite de Jean-Paul II à Reims, en 1996, la France connaît des vagues de débaptisations régulières.

La dernière remonte à 2009, année de violentes polémiques liées à l’Église, notamment provoquées par la levée de l’excommunication de quatre évêques lefebvristes, des propos du pape sur le préservatif lors de son voyage en Afrique, et l’excommunication, au Brésil, de médecins ayant mis fin à la grossesse d’une fillette violée par son beau-père.

« Des gens qui n’ont jamais fréquenté les églises »
« Il y a eu un pic il y a deux ans », confirme le P. Renaud de Kermadec, secrétaire particulier du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon. Selon sa chancelière, Chantal Chaussard, « près d’une demande par semaine » parvient dans ce diocèse. Ici, les curés de paroisses ont pour consigne de renvoyer à l’évêché toutes les lettres qu’ils reçoivent.

« La plupart du temps, des formules types, glanées sur Internet. Dans ce cas, il s’agit très souvent de gens qui n’ont jamais vraiment fréquenté les églises », explique Chantal Chaussard. Le phénomène ne concerne pas que la France. En Belgique par exemple, dans certains diocèses flamands comme à Anvers, l’an dernier, à la suite des scandales d’abus sexuels sur mineurs, le nombre de demandes a été multiplié par quinze, passant de 139 à 2 136 !

À Rome, le Conseil pontifical pour les textes législatifs a publié, en 2006, une note spécialement consacrée aux demandes de débaptisation. « Un tel acte formel de défection n’a pas seulement un caractère juridique et administratif (sortir de l’Église au sens de l’état civil, avec les conséquences civiles qui s’ensuivent) mais il se configure comme une vraie séparation vis-à-vis des éléments constitutifs de la vie de l’Église : il suppose donc un acte d’apostasie, d’hérésie ou de schisme », peut-on lire dans ce texte en sept points.

Une forme d’échec
Selon les instructions émises par le comité canonique de la Conférence des évêques de France, chaque demandeur reçoit ainsi une réponse l’informant qu’une mention sera apposée en marge de son nom qui figure dans les registres. « Mais quand on sent qu’ils ont une attache dans leur paroisse, on alerte les curés », dit la chancelière du diocèse de Lyon.

« Lorsque les demandes sont plus personnelles, il arrive à l’évêque de répondre à une lettre en particulier, ce qui n’a rien à voir avec le simple enregistrement administratif que l’on envoie à la plupart des demandeurs », glisse-t-on dans un diocèse français. « Pour l’institution, ce geste signe toujours une forme d’échec même s’il relève d’un acte libre », estime un évêque.

Source : http://www.la-croix.com/Religion/S-informer/Actualite/L-Eglise-cherche-une-reponse-aux-demandes-de-debaptisation-_NP_-2011-11-15-736154

LA CROIX / 15 novembre 2011

LOUP BESMOND DE SENNEVILLE