Plusieurs de ses propositions semblent motivées par une volonté d’améliorer la transparence dans la gestion des lieux de culte musulman.
« En raison des difficultés qu’elle peut poser à un certain nombre d’élus locaux et d’associations, ainsi que des nombreuses questions qu’elle suscite dans le débat public », l’Observatoire de la laïcité s’est saisi de la question de la construction, du financement et de la gestion des lieux de culte.
Après avoir consulté les récents rapports parlementaires sur le sujet, mais aussi auditionné le Bureau central des cultes du ministère de l’intérieur « ainsi que les représentants des principaux cultes en France afin de recueillir leurs témoignages », cette instance, créée par le président de la République et présidée par Jean-Louis Bianco, a diffusé lundi 14 novembre un « avis » rappelant le droit applicable et listant aussi plusieurs recommandations.
Plusieurs de ces propositions semblent motivées par une volonté d’améliorer la transparence dans la gestion des lieux de culte musulman, marquée par des scandales récents. D’autres répondent à des demandes d’autres cultes, ou des collectivités locales elles-mêmes.
{{– Renforcer le contrôle financier :}}
L’Observatoire de la laïcité rappelle la nécessité de conduire « effectivement » le contrôle financier, sur pièces, prévu par la loi de 1905 et propose même d’y ajouter un contrôle des comptes annuels. Celui-ci « doit permettre de garantir la transparence de l’origine légale des ressources mais aussi de garantir aux fidèles, principaux donateurs, la destination de ces dernières », précise l’avis.
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Constatant que plusieurs associations gestionnaires de lieux de culte sont constituées sous le régime de la loi de 1901, l’Observatoire recommande que ce contrôle financier s’étende à ces dernières.
Au passage, et comme d’autres instances avant lui, l’Observatoire de la laïcité plaide une fois encore pour une « dissociation » des activités cultuelles des autres : pour être en conformité avec la loi, une mosquée, par exemple, devrait ainsi créer « deux associations, l’une sous le régime de la loi 1901 pour mener des activités culturelles, humanitaires et sociales de l’association, l’autre sous le régime de la loi de 1905 pour l’exercice du culte ». « Cette dissociation permettrait de garantir une affectation transparente des subventions accordées (…) et d’éviter toute subvention contrevenant au principe de laïcité », rappelle l’avis.
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Enfin, et quel que soit leur régime, toutes les associations gérant un lieu de culte et recevant plus de 100 000 € (et non plus 153 000 € comme c’est le cas aujourd’hui) de dons annuels devraient nommer un commissaire aux comptes qui certifie et publie leurs comptes.
{{- Faciliter la construction de lieux de culte :}}
La garantie d’emprunt – accordée par une commune ou un département à une association cultuelle et qui facilite son accès au crédit bancaire – ne concerne aujourd’hui que les « agglomérations en voie de développement ». Or les mouvements de population nécessitent parfois la construction de lieux de culte – mosquées mais aussi églises évangéliques – dans des territoires ruraux. L’idée serait donc d’étendre ces garanties d’emprunt à tout le territoire.
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Une deuxième mesure proposée concerne explicitement le culte musulman. Elle reprend une proposition d’un rapport sénatorial rendu public le 5 juillet 2016, intitulé « De l’islam en France à un islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés » : la création d’une « contribution volontaire » sur le marché du halal – en forte croissance – permettrait de « pallier le manque de ressources du culte musulman », indique l’avis. L’Observatoire rappelle toutefois que celle-ci n’est « envisageable que si elle est mise en place par les représentants du culte musulman eux-mêmes comme une redevance privée pour services rendus ».
{{- Limiter la charge financière pesant sur les collectivités locales :}}
Enfin, une dernière recommandation – issue du rapport d’information d’Hervé Maurey, sénateur (UDI) de l’Eure, intitulé « Les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte », rendu public le 17 mars 2015 – traduit l’inquiétude des collectivités locales face à l’accroissement de la charge financière liée à l’entretien des lieux de culte.
L’Observatoire propose que les baux emphytéotiques comprennent « une possibilité de rachat du bien par l’association cultuelle à la fin du bail, lorsque le bien appartient au domaine privé de la commune ».
Cette mesure concernerait, au moins dans un premier temps, surtout l’Église catholique. Lors des travaux de la mission d’information sénatoriale, l’Observatoire du patrimoine religieux a en effet estimé que l’arrivée à terme de baux emphytéotiques conclus dans les années 1930 (dans le cadre des Chantiers du cardinal) allait « faire entrer dans le patrimoine de la Ville de Paris une trentaine d’églises d’ici vingt à trente ans ».
« Ces bâtiments seront en mauvais état et nécessiteront cinq à dix millions d’euros de travaux », a prévenu son représentant, qui a averti que le transfert de cette charge à la commune allait « conduire au bout d’un siècle à faire payer 100 % des citoyens, y compris ceux qui ne sont pas catholiques ». Selon le rapport Machelon (2006), sur 1 800 églises paroissiales d’Île-de-France édifiées après 1905, 450 ont eu recours à un bail emphytéotique.
source : par Anne-Bénédicte Hoffner, le 14/11/2016 à 17h41 lacroix.fr