{{SECTES | Une ONG accréditée devait servir de cheval de Troie pour un «sommet» organisé en sous-main par l’Eglise de scientologie.}}
ALAIN JOURDAN | 28.08.2009 | 00:00
L’Eglise de scientologie a bien essayé de passer les grilles du Palais des Nations, mais elle n’y est pas arrivée. Initialement, le 6e sommet annuel international des droits de l’homme devait se tenir à l’ONU. Ses organisateurs, Des jeunes pour les droits de l’homme et Village Suisse ONG, ont dû se rabattre sur les salons feutrés de l’Hôtel Intercontinental. La proximité de ces deux organisations avec l’Eglise de scientologie a fini par éveiller les soupçons, incitant l’ONU à ne pas prêter de salle de réunion.
Des jeunes pour les droits de l’homme, dont les statuts ont été déposés en Suisse, est une émanation directe de l’organisation américaine Youth For Human Rights, connue pour être l’un des satellites de la scientologie. La Française Martine Rhein et le Belge Christian Mirre sont venus à Genève pour superviser l’organisation de la conférence qui s’ouvre aujourd’hui. Ils ne font pas mystère de leur appartenance à l’organisation fondée par Ron Hubbard, mais ils assurent qu’il n’y a aucun lien entre l’Eglise de scientologie et Des jeunes pour les droits de l’homme.
{{«C’est vrai qu’au départ la scientologie a soutenu sa création parce que cette organisation défend les mêmes valeurs morales», explique Martine Rhein.}}
Les liens avec l’ONG africaine Village Suisse ONG, qui a obtenu en 2008 un statut consultatif auprès d’Ecosoc, soulèvent plus d’interrogations. Si cette organisation installée à Lancy n’a historiquement aucun lien avec la scientologie, elle semble s’en être rapprochée. C’est elle qui a formulé une demande de salle auprès du Palais des Nations pour y organiser le 6e Sommet internationa l des droits de l’homme. En tant qu’ONG accréditée, elle a le droit de s’y réunir. Mais l’institution a préféré mettre son veto. Ce qui est relativement exceptionnel.
{{Une ONG connue}}
La tentative d’infiltration des scientologues était un peu trop voyante. Sur son site Internet, Village Suisse ONG offre un lien vers un autre site qui propose des formations sur le commerce et le développement à 570 francs la journée, dispensées par la représentante de l’Eglise de scientologie en Suisse romande. Laquelle figure depuis quelques mois parmi l’équipe qui anime l’ONG. Joint par téléphone, le fondateur de Village Suisse ONG, Adalbert Nouga, répond qu’il ne veut pas «entrer dans la polémique».
Et d’ajouter en guise de fin de non-recevoir: «Mon organisation travaille depuis longtemps avec la Confédération. Toutes les informations sont sur notre site Web. Nous ne nous mêlons pas de religion.»
Martine Rhein et Christian Mirre assurent que la conférence qui se tient aujourd’hui à l’Intercontinental n’est pas là pour faire la promotion de la scientologie en tant que religion, mais pour inciter le public à mieux connaître les articles de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
L’organisation de cette conférence est d’ailleurs passée quasi inaperçue. Aucun tract n’a été distribué dans la rue. Des invitations électroniques ont été adressées à des diplomates et à des membres d’autres ONG. Ce sont eux d’ailleurs qui ont tiré la sonnette d’alarme, étonnés de voir cet étrange sommet des droits de l’homme surgir de nulle part.
Martine Rhein et Christian Mirre sont surpris des réactions. L’année dernière, ce sommet a pu se tenir au siège de l’ONU à New York sans que cela, disent-ils, ne soulève la moindre indignation. Ce qui n’est pas tout à fait exact. La seule différence, c’est qu’un Etat membre a intercédé à l’époque en leur faveur pour leur obtenir une salle de réunion.
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{{Les antisectes vont siéger avec les ONG}}
Les portes du Palais des Nations ne se sont pas ouvertes pour les scientologues. En revanche, les associations antisectes, elles, ont reçu leur badge d’entrée. L’information est passée jusque-là inaperçue. Au cours de l’été, le Conseil économique et social des Nations Unies (Ecosoc) a accordé le statut consultatif spécial à la Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme (Fecris). Une initiative qu’on doit à la présidente suisse de l’Association suisse de défense des familles et de l’individu (Adsfi) Danièle Muller-Tulli.
La Fecris, association parapluie dont elle assure la vice-présidence, regroupe plus de 50 associations dans 31 pays, principalement en Europe mais avec des correspondants dans d’autres continents. Elle lutte contre la prolifération des groupes aux dérives sectaires et totalitaires. Elle a déjà le statut participatif auprès du Conseil de l’Europe. Depuis plusieurs années, des associations laïques dénoncent l’entrisme et le lobbying exercés par les sectes dans les enceintes onusiennes et européennes sous le couvert d’ONG. Prosectes et antisectes risquent maintenant de s’y opposer. Du côté de la Fecris, le seul mot d’ordre semble être: bas les masques!
La tenue à Genève d’un Sommet des droits de l’homme sponsorisé par les scientologues ne surprend par Danièle Muller, qui dénonce depuis longtemps l’offensive européenne des scientologues.
«Ce qui révolte un certain nombre de personnes jusque dans les enceintes onusiennes, c’est de voir comment l’Eglise de scientologie utilise la Déclaration universelle des droits de l’homme pour faire sa propre publicité», explique la présidente de l’Adsfi.
(aj)
La tribune de Genève