La religion est implantée dans presque tous les domaines de la vie sociale en Afrique, et le christianisme y prospère comme nulle part ailleurs dans le monde. « Rien n’est comparable à l’expansion du christianisme en Afrique, c’est un phénomène unique », reconnaît Jonathan Bonk, éditeur du Bulletin international des recherches missionnaires (IBMR), un magazine publié aux États-Unis.

Des statistiques fiables sont difficiles à obtenir, mais IBMR estime qu’il y avait 8,7 millions de chrétiens en Afrique en 1900. Ce chiffre est monté à 117 millions en 1970 pour atteindre 389 millions aujourd’hui. L’événement le plus récent est la vague évangélique, pilotée par des Africains et des Occidentaux, la plupart américains, qui balaie actuellement le continent.

Pour certains, c’est un excellent filon commercial, affirment les experts. Des opportunistes, souvent sans formation théologique, profitent de la manne. « C’est le business le plus lucratif au Kenya, constate le professeur Douglas Waruta, directeur des études philosophiques et religieuses à l’université de Nairobi. On peut se faire davantage d’argent en proclamant le nom de Jésus que dans tout autre domaine. »

Tous les dimanches, des milliers d’Ougandais se pressent dans la cathédrale du Centre-du-Miracle, une nouvelle église, énorme, qui ressemble à un hangar pour avions, où un écran vidéo fait de la publicité pour les livres, les DVD et les vidéos entre chaque messe, cinq par dimanche. Jonathan Bonk estime qu’environ 1 400 communautés de ce genre émergent chaque mois en Afrique. C’est dû en partie au rôle joué par la religion depuis que les premiers missionnaires ont défriché des routes africaines, au début des années 1800.

Les hommes politiques utilisent aussi les chaires ecclésiales comme tribunes, et les agences de développement occidentales, reconnaissant l’influence de la religion, ne rechignent plus à travailler avec les organisations confessionnelles, comme l’ont constaté les responsables américains et anglais.

Ce succès provient du penchant des Africains pour la spiritualité et les rituels. Les nouvelles Églises permettent aux fidèles de prier d’une façon différente de celle de leurs cousins catholiques et protestants, offrant une combinaison de danses exubérantes, de chants, de transes et de prières.

Le professeur Waruta décrit cette tendance comme un « syncrétisme pour âme africaine ». Le problème vient des charlatans et des sectes, qui n’hésitent pas à tirer profit des pauvres et des désespérés, augmentant ainsi leur vulnérabilité. Aussi juge-t-il « ambigu » l’impact des évangélistes. Ils ont un rôle positif en ce qui concerne la promotion des valeurs morales, mais l’envers de la médaille « est qu’ils sont en train de piller le continent africain, au point que bientôt le message chrétien se perdra et que nous aurons finalement une Afrique plus séculière », estime-t-il.