LE MONDE | 04.06.08 | 14h19 • Mis à jour le 04.06.08 | 14h19

Les profanations de tombe “au nom de Satan” ont le don de les exaspérer. Pour Franck, 33 ans, et son amie Camille, 22 ans (les prénoms ont été modifiés), qui font partie de la centaine de membres du club des “vrais satanistes” français, ces agissements relèvent “d’un rituel néopaïen” puisant dans “un bric-à-brac symbolique” qui leur est étranger.

“Pour nous, ouvrir ou profaner des tombes n’a aucun intérêt : quand une personne est morte, c’est la nature qui s’en charge.” Mais “il est plus facile pour ces jeunes impliqués dans les profanations de se revendiquer satanistes que néonazis”, relève le jeune homme, dont seuls quelques bijoux symboliques, pentacle et “croix germaniste”, démentent l’apparence plutôt banale.

A les écouter, les satanistes de leur acabit sont plutôt des intellectuels, défendant un principe de base : la liberté individuelle. “Egocentriques libertaires, rebelles à Dieu”, résume aussi Olivier Bobineau, qui a dirigé un ouvrage intitulé Le Satanisme, quel danger pour la société ? (Pygmalion, 330 p., 21,90 euros). “Si la loi nuit à la liberté individuelle, on peut la transgresser. Mais on a une limite : on respecte la vie”, théorise Franck, qui a découvert “par hasard”, il y a dix ans, l’ouvrage culte des satanistes, La Bible satanique, d’Anton-Szandor LaVey.

{{CULTE DE LA PERSONNALITÉ}}

“Je me suis reconnu dans cette philosophie existentialiste qui promeut l’hédonisme, la loi du talion mais aussi la justice rétributive de Rousseau, la liberté de pensée et la liberté sexuelle. Et puis, Satan est un symbole d’opposition et de transgression qui me plaît bien”, défend le jeune homme, éduqué dans la foi catholique. Bien manger, bien boire, avoir une sexualité épanouie, voici “les principes épicuriens” mis en avant par le couple.

“On est dans le qualitatif, pas dans le quantitatif”, insiste Franck, qui récuse les soupçons de prosélytisme souvent prêtés aux adeptes de Satan. Camille, que la noirceur du look vestimentaire place davantage dans une contre-culture affirmée, revendique aussi un certain élitisme : “Un principe aristocratique nous amène à vouloir être supérieurs aux autres.” Le sataniste, précisent-ils, ne se saoule pas, ne se drogue pas, car il risquerait de “perdre le contrôle”.

Voilà pour la philosophie. Côté rites, Franck et Camille se défendent de pratiquer des cérémonies empruntant aux danses de sabbat, aux sacrifices ou à la magie noire. Les célébrations les plus importantes sont les anniversaires de naissance (culte de la personnalité oblige) et les fêtes du solstice. “Nos fêtes relèvent de la cérémonie païenne, avec des libations et la célébration de la nature ou de Satan, explique Franck. On n’utilise la messe noire et blasphématoire que pour ceux qui veulent se libérer de leurs tabous catholiques.”

Alors oui, explique Franck, “pour décompresser, ils déchargent de la haine”, dans un langage barbare, sur une image ou une musique subversives, genre Black Metal, et connaissent des “transes”. Mais ils peuvent tout aussi bien lire des poèmes de Baudelaire. “Les éléments macabres nous permettent d’apprivoiser la mort, c’est esthétique”, assure Franck, qui rappelle, dans un sourire, que “les chrétiens adorent bien un cadavre sur une croix”.

Stéphanie Le Bars et Elise Vincent