A Vescovato, en épousant un Mignoni, elle s’était liée à une grande famille de la commune. Les premiers souvenirs de ceux qui avaient accueilli une femme venue de sa Gironde natale remontent aux années 90.

Celle qui allait pourtant finir par se comporter comme un véritable gourou était loin d’interpeller, alors. Avant d’être mise en examen pour ses activités à la tête d’une secte, Agnès Mignoni s’est comportée comme une chrétienne parmi tant d’autres, fréquentant la messe, s’affichant comme la plus anonyme des pratiquantes.

À l’évocation de ces jours en aucun cas annonciateurs des troublants lendemains, l’incompréhension perdure en Casinca. « Mais il y a eu ces visions, ces apparitions. C’est à ce moment-là que les choses ont commencé à se gâter »,racontent encore les témoins. La Vierge, Saint-Joseph, l’enfant Jésus, Agnès Mignoni commence à jeter le trouble. Bon nombre de ceux qui la côtoient se disent qu’elle perd la tête, s’inquiètent pour elle, pour son mari et ses deux enfants, considérant que l’équilibre familial est menacé. Les coups de théâtre sont à venir.

Pendant près d’un an, ce cercle familial disparaît. Personne ne sait où sont partis les Mignoni qui ne donnent plus signe de vie. On parle de la Sardaigne, sans avoir jamais vraiment pu connaître la véritable destination, ni le pourquoi d’une telle parenthèse.

A Notre Dame de Pancheraccia pour s’identifier au Christ

La réapparition soudaine en Casinca n’a pas fait disparaître ses apparitions à elle. Aux yeux de ses proches, Agnès Mignoni perd pied, fragilise sa vie de famille, commence à s’entourer de « fidèles » pour lesquels elle devient « la messagère ». Tout se précipite il y a une dizaine d’années, l’avènement de l’Ave Maria de l’enfant Jésus est en marche. Celui d’une association sectaire dont les témoignages fusent encore à la moindre évocation, autant que les innombrables messages sur les forums internet. D’aucuns la glorifient, d’autres ne font qu’insister sur d’inquiétantes dérives, les dégâts de ces agissements, jusqu’à l’escroquerie visiblement prise au sérieux à partir d’une plainte déposée sur le Continent.

Pendant ce temps, l’Ave Maria loue des locaux au domaine d’Anghione pour organiser ses réunions estivales, dresse une immense croix sur la route de Vescovato village. Des détails presque insignifiants au regard de ce que le gourou n’hésite pas à entreprendre.

Les appels de l’évêché

Au village de Pancheraccia, sur un site où l’apparition de la Vierge est officiellement reconnue par l’Église, Agnès Mignoni loue un appartement pendant la sainte célébration du 8 septembre 2009 à laquelle assistent de nombreux pèlerins. Allongée sur un lit, du sang sur le front et les mains, elle s’identifie au Christ et à ses souffrances. Effrayés, des membres de la population en ont appelé aux représentants de l’Église. Mais l’évêque semblait avoir déjà, alors, pris des mesures pour appeler à la prudence face aux faits et gestes d’une femme qui se prévalait de quelques soutiens diocésains sur la base de simples échanges de vœux pour la nouvelle année.

Monseigneur Brunin avait jugé bon de faire circuler des notes dans les paroisses, de prendre la plume dans le bulletin Église de Corsepour contenir les assauts sectaires. L’été dernier, les fidèles de l’association sont vus encore à Corte, où ils distribuent des images pieuses. Du côté de « la messagère », les soupçons d’escroquerie ne font que grandir, et ce, sur la base d’éléments sérieux. Avant-hier, la gendarmerie aura porté un coup d’arrêt aux agissements de l’Ave Maria qui semblait repliée depuis quelque temps sur Santa-Lucia-di-Moriani.

« Elle était devenue mystique, jusqu’à entraîner des gens vulnérables dans ses errements »,nous confiait encore un témoin. Confrontée aujourd’hui à la justice des hommes, celle que l’on appelle aussi la fausse prophétesse va devoir s’expliquer.

source : Corse-Matin

le vendredi 16 décembre 2011

http://www.corsematin.com/article/corse/lave-maria-ou-lhistoire-dune-chretienne-ordinaire-perdue.535541.html