A l’été 2013, Philippe Courtot, étudiant en école de commerce, a fait le tour du Brésil avec une amie. Son souvenir le plus marquant ? Le soir où ils ont goûté à l’ayahuasca, une liane d’Amazonie dont la décoction produit des effets psychoactifs puissants, avec « l’aide » d’un chaman qui les a guidés dans leur «voyage intérieur» et… leur a remis sa carte de visite à l’issue de l’expérience. «Le côté magique s’est un peu évanoui», reconnaît-il.
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L’usage de l’ayahuasca, considérée comme une drogue en France depuis 2005, explose depuis quelques années chez les touristes occidentaux. La forêt amazonienne est un peu devenue ce que Katmandou (Népal) était pour les premiers hippies à l’aube des années 1970.
L’engouement est particulièrement net en Amazonie péruvienne, « où une véritable filière économique s’est créée en quelques années, même s’il s’agit d’un tourisme non organisé », explique l’anthropologue et ethnologue Jean-Loup Amselle, auteur de Psychotropiques. La fièvre de l’ayahuasca en forêt amazonienne (Albin Michel, 240 p., 19 €).
Les campements se multiplient dans la jungle, à proximité de villes comme Iquitos et Pucallpa. Les prix varient de 50 à 150 euros la cérémonie, les réservations se font par Internet ou par téléphone.
Sur le site du centre Anaconda Cosmica (www.anacondacosmica.net), des séjours pouvant durer jusqu’à plusieurs mois sont proposés. « Dans ces lieux, la faune et la flore amazoniennes sont mises en scène, mais la proximité avec les villes permet aux touristes de bénéficier d’un confort et d’une sécurité qui les rassurent », juge M. Amselle.
« TOURS CHAMANIQUES »
Des chamans étrangers, pour la plupart originaires des Etats-Unis, ont fondé une entreprise pour profiter de ce marché en essor. L’Américain Hamilton Souther, qui a fondé de Blue Morpho en 2002, propose des « tours chamaniques » d’une semaine pour 1 660 euros. Une affaire rentable, compte tenu de la disponibilité de la liane, qui existe en grande quantité dans la forêt amazonienne, et des salaires relativement faibles des locaux.
Les guides touristiques, hôteliers et chauffeurs de mototaxi jouent les rabatteurs. «Des amis avec qui je voyageais au Pérou ont eu l’idée de m’offrir un trip à l’ayahuasca pour mes 25 ans», témoigne Caroline, qui tient à garder l’anonymat. C’est son guide qui lui donne le contact du « meilleur chaman d’Amazonie ».
Ce jour-là, ils sont dix-huit, dans le campement d’Iquitos, à goûter au breuvage : «Le chaman a entonné des chants psychédéliques en nous tapant sur la tête. Puis j’ai commencé à vomir. C’était horrible !»
Depuis peu, l’ayahuasca s’exporte en Europe par le biais de mouvements religieux comme le Santo Daime. Mais « l’usage au titre d’objet de culte ne remet pas en question l’interdiction de sa consommation », affirme l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Source : Le Monde
26.11.2013
par Julia Mourri
http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/11/26/l-ayahuasca-une-affaire-juteuse_3520314_3234.html