Ce n’est probablement qu’une de ces coïncidences dont l’histoire a le secret. La récente nomination par le premier Ministre de l’ancien Député Georges Fenech à la tête de la Miviludes, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires intervient à un moment de grave crise économique et financière. Une période difficile qui s’accompagne en général d’interrogations personnelles et de questionnements identitaires, situation dont les sectes profitent savamment pour rechercher, accueillir et prétendre réconforter ceux et celles qui se trouvent confrontés aux pires incertitudes existentielles.

Dans son rapport remis au premier Ministre, l’ancien Député du Rhône, un tenant de la « ligne dure », préconise l’engagement du Parlement afin de « pérenniser » au travers d’une loi, l’existence et les objectifs de la Miviludes. Il souhaite également en accroître les moyens destinés à recueillir les informations et à former les agents publics au risque sectaire. Partisan, en outre, de la création de cellules de spécialistes comprenant des psychologues dont les compétences seraient essentiellement dévolues aux victimes, Georges Fenech propose une approche relativement rénovée et pragmatique des dangers sectaires.

Lors de travaux de la commission parlementaire consacrée à ce phénomène, travaux au cours desquels il avait déjà émis le vœu de voir se créer une commission d’enquête, le futur président de la mission avait clairement expliqué que « l’actualité des sectes ne se caractérisait plus par des faits divers spectaculaires », ce qui rendait encore plus ardu le repérage de leur travail d’influence sur le terrain. Même si l’adoption de la loi About-Picard de 2001 permet d’incriminer l’abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse, la nouvelle mission devrait désormais concentrer ses efforts sur la protection de la « santé physique et mentale des mineurs », dont le nombre dans les sectes avoisinerait les 20 000. Selon le constat effectué par les membres de cette commission, certaines sectes ont ainsi mis en place des établissements d’enseignement aux pratiques critiquables : absence de titres de l’encadrement ou non-enseignement de certaines matières. Néanmoins l’inquiétude principale porte sur les nombreux moyens utilisés par les sectes pour approcher les enfants comme l’enseignement par correspondance, les propositions de soutien scolaire, la mise en place de centres de loisirs et de vacances et bien évidemment, l’exploitation du réseau Internet. Si les enfants, tenus pour des « vecteurs de propagande en direction de leur parent », sont en général approchés par des moyens « insidieux » et « dissimulés », la Miviludes s’efforcera de prendre en considération les conditions de la situation parentale, à même de laisser la porte ouverte aux agissements des groupes sectaires.

L’objectif et les manœuvres des sectes demeurent connus : détacher l’individu de son contexte habituel, tâche souvent facilitée par les problèmes personnels et professionnels récurrents vécus par la victime et recréer des conditions factices – largement rémunérées – de liens sociaux et affectifs, susceptibles de lui redonner le sentiment d’exister. D’où la nouvelle stratégie probable de la Miviludes : plutôt que de suivre, de lister et de détailler le travail des organisations réputées sectaires, son action consisterait davantage à « sanctionner les dérives dangereuses » en se positionnant au plus près des victimes potentielles. Une politique adoptée en son temps par certains services dans le domaine de l’intelligence économique et dont on a pu depuis mesurer toute l’efficacité.

28 septembre 2008, Nice Matin, JL Vannier