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AP | 22.05.2009

L’Eglise de Scientologie joue gros à partir de lundi devant le tribunal correctionnel de Paris. Jugée en tant que personne morale aux côtés de sept de ses responsables pour « escroquerie en bande organisée » et « exercice illégal de la pharmacie », l’Association spirituelle risque la dissolution en France en cas de condamnation.

Alors que les ennuis judiciaires de membres de l’organisation, considérée comme une secte en France, ne sont pas inhabituels, les trois magistrats vont décortiquer pour la première fois les pratiques de l’Eglise de Scientologie-Celebrity Center et de la librairie SEL (Scientologie espace liberté) dénoncées par trois plaignants.

Le juge d’instruction Jean-Christophe Hullin -qui a ordonné le renvoi alors que le parquet réclamait un non-lieu pour l’Eglise de Scientologie- s’est notamment intéressé à l’usage de « l’électromètre », un appareil vendu pour 4.800 euros aux adeptes et censé « mesurer les variations de l’état mental d’une personne et tirer ainsi des conclusions sur sa personnalité ». Le magistrat dénonce « un leurre destiné à donner un aspect scientifique à une opération qui n’a rien de tel ».

Mais l’instruction s’est également attaquée au nerf de la guerre, l’argent. L’Eglise de Scientologie, qui compte des adeptes aussi riches et célèbres que John Travolta ou Tom Cruise, a ainsi fait sienne une phrase de son fondateur, Ron Hubbard, qui a intimé aux dirigeants de son association: « Vous devez vouloir à tout moment contrôler chaque personne qui entre dans votre bureau, (…) dès cet instant jusqu’à l’étape finale de la signature du chèque ». Pour Jean-Christophe Hullin, cette attitude est révélatrice de l' »obsession » des scientologues pour le « rendement financier ».

Le procès intervient plus de dix ans après le dépôt d’une première plainte avec constitution de partie civile par une ancienne adepte en décembre 1998. La plaignante avait été abordée en mai 1998 à la sortie d’une station de métro par des scientologues. L’association lui avait d’abord proposé un test de personnalité, puis un rendez-vous pour en interpréter le résultat.

Au fur et à mesure, la jeune femme de 33 ans a dépensé 140.000FF (21.340 euros) en livres, cours de communication ou de « réparation de vie », ainsi qu’en « packs de purification ». Pour cela, elle a dû contracter des prêts et vider ses comptes bancaires. Lorsqu’elle a réclamé la restitution des sommes, l’association a refusé, lui proposant la signature d’un protocole. Proposition qu’elle a refusée a son tour.

L’ordonnance de renvoi fait d’ailleurs une large place à ces pratiques de la Scientologie consistant non seulement à soutirer un maximum d’argent aux adeptes, mais également à les plonger dans un « état de sujétion ». Pour cela l’association vend notamment des « vitamines », pratique qui a entraîné une plainte pour « exercice illégal de la pharmacie » par l’ordre des Pharmaciens.

Pour Me Olivier Morice, l’avocat des victimes, toutes ces pratiques découlent de la doctrine même de la Scientologie. Son contradicteur, Me Patrick Maisonneuve, l’avocat de l’Eglise de Scientologie veut bien admettre des dérapages individuels, mais réfute l’idée d’une escroquerie organisée. « La découverte d’un curé pédophile ne permet pas de mettre en cause toute l’Église catholique. J’attends de l’accusation qu’elle démontre que la Scientologie est une bande d’escrocs qui avait l’intention de l’être », ose-t-il dans « L’Express » daté du 14 mai.

Le 17 mai 2002, le tribunal correctionnel de Paris a condamné pour la première fois en tant que personne morale la section francilienne de l’Eglise de Scientologie. Les juges avaient cependant refusé de dissoudre l’association. Le 28 juillet 1997, la cour d’appel de Lyon avait jugé que les associations regroupées au sein de l’Eglise de Scientologie étaient des « entreprises » ayant pour « objet » la « captation de la fortune des adeptes grâce à l’emploi de manoeuvres frauduleuses, caractérisant le délit d’escroquerie ».

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