LE MONDE | 31.03.08 | Article paru dans l’édition du 01.04.08.
L’Eglise de scientologie traverse-t-elle une mauvaise passe ? Certains de ses membres sont mis en cause dans une affaire de séquestration présumée en Italie. L’organisation est sous la menace d’une commission d’enquête parlementaire française qui lui serait exclusivement consacrée. Sur le Web, les sites des Eglises de scientologie sont harcelés par des internautes opposés à ses pratiques.
Attendu jeudi 3 avril, le rapport annuel de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) devrait une nouvelle fois mettre en cause la scientologie, en insistant sur l’influence supposée du mouvement dans les organismes internationaux. Il prend l’exemple de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
En février, l’Eglise de scientologie avait pourtant été revigorée par les propos tenus par la directrice de cabinet du président de la République, Emmanuelle Mignon, qui s’interrogeait sur la pertinence de la qualifier de « secte ». « La France évolue dans le bon sens », se félicitait alors la porte-parole du mouvement en France, Danièle Gounord. « On assiste à une nouvelle offensive, reconnaît-elle aujourd’hui. La politique du gouvernement est de rechercher des affaires pénales, mais le terrain gagné ces dernières années est gagné ; dans l’opinion publique et même dans les administrations, notre image n’est plus aussi négative que par le passé. » Le nombre d’adeptes en France, évalué entre 2 000 et 3 000 personnes, est stable depuis plusieurs années.
Familière des attaques, notamment en France et en Allemagne, l’organisation affûte ses réponses. L’affaire italienne, dans laquelle Martine Boublil, une ancienne scientologue, a déposé plainte contre X… pour abus de faiblesse, est qualifiée de « drame familial ». Internée en hôpital psychiatrique depuis son rapatriement en France, début mars, Mme Boublil a été entendue par la police qui, dans un premier temps, n’a pu l’interroger, vu son état psychique. Selon son frère, médecin et scientologue de haut rang en France, mis en cause dans l’affaire avec trois autres membres de l’organisation, elle dément désormais avoir déposé une plainte.
« Les codes de la scientologie ne permettent pas l’administration de neuroleptiques à haute dose », précise Mme Gounord, pour expliquer la tentative de M. Boublil de soustraire sa soeur au milieu hospitalier. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris.
Pour le vice-président du groupe parlementaire d’études sur les sectes, Georges Fenech, député (UMP) du Rhône, – dont l’élection a été invalidée le 27 mars -, l’affaire Boublil « rappelle les dangers réels de cette organisation » et justifie la création d’une commission d’enquête sur la scientologie pour « déterminer la nature réelle de ses activités, son mode de fonctionnement, les sources de financement ».
« Si cette commission aboutissait et demandait quoi que ce soit de restrictif, cela provoquerait des réactions violentes et une solidarité internationale de la part de gens bienveillants à l’égard de la scientologie », prévient la porte-parole.
Dans ce contexte, l’Eglise de scientologie se félicite d’une délibération de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) favorable à l’organisation, rendue en décembre 2007. La Halde a estimé que les affectations successives d’une fonctionnaire territoriale, membre de l’Eglise de scientologie, apparaissaient comme une discrimination « fondée sur ses opinions » et non sur « un acte de prosélytisme ».
Stéphanie Le Bars