Alors que les citoyens européens font de plus en plus confiance aux médecines complémentaires et que la Commission européenne met en place des outils d’évaluation et d’information sous la forme d’une feuille de route jusqu’en 2020, la France reste à la traîne et affiche sa méfiance.
On les appelle aussi les médecines non conventionnelles. En Europe, elles sont regroupées sous l’acronyme CAM, pour « complementary and alternative medecine ». Parmi elles, on trouve l’acupuncture, l’homéopathie, la médecine anthroposophique, l’ostéopathie, la réflexologie, le shiatsu, le yoga, la phytothérapie ou la médecine ayurvédique. Selon les pays, leur popularité et leur reconnaissance varient. « Jusqu’à 65% des citoyens affirment y avoir eu recours », peut-on lire sur le site de la Commission européenne.
Volonté d’évaluation et d’information
Pour évaluer ces CAM, la Commission européenne, soutenue par la France, a financé le programme CAMBRELLA. Il est mené par 16 universités européennes, et a permis de comparer leur statut et leur usage dans les différents pays membres, mais aussi de mettre en place une feuille de route jusqu’en 2020. Il s’agit d’étudier leur efficacité, de promouvoir leur enseignement, de mieux informer les médecins et les patients « pour tirer le vrai du faux », souligne le Dr Robert Kempenich, généraliste et anthroposophe, président du Conseil national professionnel médecine anthroposophique. Membre de l’Advisory board (le comité consultatif de CAMBRELLA), il se félicite qu’à travers cette étude, Bruxelles puisse mettre en place un Institut européen d’information sur les CAM.
Une politique de reconnaissance et d’ouverture qui tranche avec l’attitude française de méfiance et de suspicion. « On peut estimer qu’aujourd’hui 4 Français sur 10 ont recours aux médecines dites alternatives ou complémentaires, dont 60% parmi les malades du cancer. Plus de 400 pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique sont proposées », s’inquiète la Miviludes dans son guide « Santé et dérives sectaires », publié en avril 2012. « Si toutes ces pratiques ne sont pas forcément sectaires, la maladie est devenue une porte d’entrée rêvée pour les mouvements à caractère sectaire qui profitent de la souffrance ou de l’inquiétude des malades et de leur famille pour exercer une emprise à leur égard ».
Le patient, un sujet acteur de son traitement
Robert Kempenich est bien conscient de la nécessité de rendre homogène l’approche et la compréhension de toutes ces pratiques, et conteste énergiquement ces suspicions. Pour lui, c’est vraiment tout le contraire. Il insiste sur la volonté des praticiens de reconnaître le patient comme un sujet, acteur de son traitement. Il rappelle que les CAM ne s’opposent pas à la médecine allopathique, mais lui viennent en complément. Toutefois, elles prennent en compte l’environnement et proposent des remèdes tirés de la nature, donc avec très peu d’effets secondaires. Une approche globale qui séduit les Européens, dont la prise de conscience explique cette demande exponentielle. Force est de reconnaître que la médecine conventionnelle est devenue très technique.
C’est bien là tout l’enjeu du programme européen CAMBRELLA, dont l’ambition est d’encourager le rapprochement entre le praticien et l’usager. En Suisse, l’inscription dans la constitution de la prise en compte des CAM a été plébiscitée par 67% des électeurs. En Allemagne, au Royaume-Uni, au Danemark, elles sont intégrées dans la législation et étroitement associées aux enseignements universitaires. Ceci sans parler de leur popularité en Amérique du Nord, en Asie et en Australie notamment.
La France, paradoxalement, reste réticente à ces évolutions, comme si elle s’interdisait d’y participer, pour des raisons idéologiques et culturelles qui restent à définir.
source : LE DIMANCHE 2 JUIN 2013
France Info
http://www.franceinfo.fr/europe/l-europe-au-quotidien/l-europe-offre-un-parapluie-aux-cam-1009843-2013-06-02