{ {{Jean-Michel Bader et Anne Jouan
LE FIGARO – 09/03/2009 |}} }
{ {{Le gouvernement souhaite mieux contrôler les milliers de sites médicaux et forums spécialisés qui fleurissent sur la Toile.}} }
«Mal au dos depuis trois mois. Symptômes : douleur permanente du côté droit. Les IRM et scanners effectués ont permis de trouver une petite hernie discale, une hernie paramédiane droite du disque (…), une ébauche d’arthrose. Quelqu’un pourrait-il m’aiguiller vers un très bon spécialiste ?». Voici ce qu’écrit un internaute sur le forum du site aufeminin.com, l’un des plus importants du genre. Un autre, qui a souffert des mêmes maux, lui répond qu’il a vu plusieurs médecins avant que de se voire prescrive des séances de kiné pour une vertèbre déplacée. Un «ergonome» lui conseille de se rendre dans une boutique parisienne spécialisée en ergonomie, dont il n’hésite pas à donner les coordonnées…
Des centaines de site santé en France proposent des informations médicales plus ou moins objectives et «sourcées». Elles sont signées (ou non) par des médecins qualifiés (ou non), mises à jour régulièrement ou jamais. Sans oublier les forums qui regorgent de conseils entre internautes, pertinents ou délirants !
Pour lutter contre ces dérives, et «assurer l’information en santé des patients la plus complète et la plus fiable», le Parlement a voté dans la nuit de jeudi à vendredi un amendement à la loi Bachelot «Hôpital, patients, territoire, santé ». Ce dernier «invite» les sites Internet sur la santé, comme Doctissimo.fr , à faire figurer sur leur page d’accueil des liens avec des sites institutionnels – caisses d’assurance-maladie, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ou Haute Autorité de santé (HAS).
Jacques Lucas, du Conseil national de l’ordre des médecins, estime que l’amendement voté est «une bonne chose». Il relève que «globalement, ces sites sont bien faits et que les informations sont assez pertinentes. Elles correspondent à ce que l’on trouvait autrefois dans les familles avec les encyclopédies médicales». Mais il est en revanche beaucoup plus réservé en ce qui concerne les forums de discussion.
{{701 sites français certifiés}}
Ce dispositif complète la mise en œuvre en novembre 2007, sous le contrôle de la HAS, d’un système de certification des sites dédiés à la santé. Sur la base du volontariat, les responsables doivent accepter de modifier le fonctionnement de leurs pages pour qu’elles respectent un code de déontologie ou de bonnes pratiques.
Le succès a été immédiat : en novembre 2008, 522 sites s’étaient fait certifier, et à ce jour, la HAS annonce 701 sites français répondant déjà aux critères. Ceux-ci ont été établis par la fondation Health on the Net (HON), basée à Genève et créée en 1995 par des experts en télémédecine. À l’aube d’Internet, ces pionniers avaient vite compris que ce nouveau média serait rapidement accessible à tous. En 1995, leur fondation a créé une charte pour promouvoir une information de qualité.
Le premier critère est celui de l’autorité : qui sont les signataires du site, leurs qualifications ? Le critère «mission» limite le site à des informations médicales qui ne court-circuitent pas le médecin traitant (aux États-Unis, des sites de consultation en ligne ou d’autodiagnostic fonctionnent sans contrôle). Le site doit aussi assurer la confidentialité des données, citer ses sources, donner une information objective et organiser une transparence des financements. Depuis 1997, 6 800 sites dans 116 pays sont déjà certifiés HON. Et de plus en plus de forums de discussion recherchent eux aussi ce label.
Directrice des affaires juridiques à la Cnil, Sophie Vulliet-Tavernier estime que le problème n’est pas spécifique aux sites dédiés à la santé. «Facebook est largement utilisé par les recruteurs. Les internautes laissent de plus en plus de données sensibles sans être conscients de l’usage négatif qui peut en être fait.» Quelle certitude peut avoir M. Dupont que les questions qu’il pose sur son traitement anticancéreux dans un forum de discussion ne seront pas utilisées par son banquier pour ne pas lui accorder de prêt ?
«Ils sont très mignons nos législateurs, résume le Dr Dominique Dupagne, modérateur du site atoute.org. S’ils croient qu’ils vont faire revenir les brebis égarées du Net en leur proposant des liens sur les forums et les sites, ils se trompent. Ils feraient mieux de rendre plus sexy les sites institutionnels pour répondre aux questions que le public se pose vraiment !»
{{Quelques règles de sécurité à respecter}}
La Haute Autorité de santé (HAS), qui a mis en place une procédure de certification des sites de santé français avec la fondation Health On the Net (HON), fait des recommandations aux internautes. « Posezvous au moins trois questions : qui a écrit le contenu du site ? Quelles sont ses compétences? Quelles sont ses motivations? » insiste la HAS. Les auteurs sontils identifiables (nom, appartenance professionnelle, titres et qualifications s’il s’agit d’un professionnel de santé)? Les adresses électronique et postale de l’auteur et du responsable du site doivent également être fournies. Autre point important : les sources utilisées sont-elles référencées et indiquées? La date de publication est-elle mentionnée? Y a-t-il régulièrement des mises à jour ? Ces deux points sont importants parce que l’information médicale évoluant constamment et devient vite obsolète. Enfin, les parrainages et financements sont-ils déclarés?
La HAS invite les internautes à éviter tout médecin qui propose un diagnostic ou un traitement sans examiner le patient et sans connaître son dossier médical. Pour Étienne Caniard, président de la commission » qualité de l’information médicale » de la HAS, » la certification des sites est importante. D’ailleurs le site de la HAS est certifié ! Ce qui nous a amenés à modifier et à améliorer nos pratiques ! Essayer de diriger les internautes par des liens vers les sites officiels, c’est une idée intéressante, mais je crois que nous devons aussi faire confiance à l’esprit critique des internautes, qui ont une grande intelligence collective. » À ce jour, tous les sites institutionnels ne sont pas encore certifiés HON…
Le figaro