Alvaro del Portillo, qui dirigea l’Opus Dei de 1975 jusqu’à sa mort en 1994, sera béatifié lors d’une cérémonie présidée par un représentant du Pape, le cardinal Angelo Amato, en présence de 300 cardinaux, évêques et archevêques, et 1.300 prêtres. 150.000 fidèles sont attendus.

“Cet évènement est une démonstration de force de l’Opus Dei”, 12 ans après après la canonisation de son fondateur, Josemaria Escriva de Balaguer, souligne José Manuel Vidal, directeur du site d’information Religion Digital.

Fondé en 1928, l’Opus Dei – l’Oeuvre de Dieu, en latin – se donne pour mission de diffuser la foi catholique dans la vie quotidienne à travers le travail de ses fidèles, laïcs dans leur immense majorité, et de son vaste réseau d’écoles.

Présente sur les cinq continents, l’institution revendique 90.000 membres, dont un tiers en Espagne.

A Rome, où l'”Oeuvre” a son siège, son influence a été décuplée sous le pontificat de Jean Paul II, au point d’acquérir un statut “unique au sein de l’Eglise”, selon José Manuel Vidal. “On en vint à penser qu’ils allaient devenir une Eglise au sein de l’Eglise”, souligne-t-il.

L’influence de l’Opus Dei s’était installée en Espagne sous la dictature de Francisco Franco (1939-1975), qui dès les années 1950 comptait des membres de l’organisation parmi ses ministres. C’est à cette époque que la dictature autorise Escriva de Balaguer à fonder l’Université de Navarre, devenue aujourd’hui, avec son école de commerce privée IESE, l’une des plus réputées du pays.

– Le culte du mystère –

L’Opus Dei gère désormais des écoles “dans la majorité des villes espagnoles”, souligne Alberto Moncada, sociologue et ancien membre. Même avec l’arrivée de la démocratie, l’organisation a continué de peser sur la politique et les élites du pays.

En 2002, lors de la canonisation de son fondateur, le gouvernement conservateur de José Maria Aznar avait envoyé une délégation de plusieurs ministres au Vatican, les représentants du pouvoir “jouant des coudes” pour être présents, selon le quotidien de centre droit El Mundo

Mais les files se clairsèment depuis plusieurs années: aujourd’hui, seul le ministre de l’Intérieur Jorge Fernandez Diaz s’en dit “très proche”. “Ils ont peu ou pas d’influence politique”, affirme Alberto Moncada. “Ils perdent plus de membres qu’ils n’en reçoivent”, complète José Manuel Vidal.

Du côté de l’Opus Dei, on affirme pourtant, sans donner de chiffres, que “le nombre de membres augmente peu à peu”.

Pour Juan Gonzalez Bedoya, journaliste du quotidien de centre gauche El Pais, si l’Opus Dei “cultive ce mystère, c’est parce que les chiffres ne collent pas”. “Pour une organisation qui n’a qu’un peu plus de 70 ans, elle est certes puissante. Mais pas autant qu’on le croit”.

Le mystère prête en tout cas aux fantasmes. L’inquiétant moine albinos censé appartenir à l’Opus Dei, qui s’infligeait des châtiments corporels dans le célèbre “Da Vinci Code” avait poussé l’organisation à répondre aux questions de centaines de journalistes, se souvient José Carlos Martin de la Hoz, l’un de ses responsables en Espagne.

– “Dévouement total” –

Cet effort de communication entre dans une volonté récente d’aller vers plus de transparence. Qui a payé, selon José Manuel Vidal: “ils ont nettement amélioré leur image en Espagne.”

Et s’il dénonce des erreurs dans le “Da Vinci Code”, l’Opus Dei n’hésite pas à expliquer comment vivent ses quelque 16.000 membres laïques dans le monde qui ont fait voeu de célibat, une partie d’entre eux vivant en communauté.

Continuant à travailler dans la société laïque, ils reversent grande partie de leurs revenus à l’organisation.

C’est justement ce “dévouement total”, comme le qualifient ses responsables, qui explique en partie la perte de vitesse du mouvement, analyse José Manuel Vidal: “c’est une vocation très exigeante.”

Au Vatican aussi, leur influence s’est amoindrie: l’arrivée du Pape François marque un “changement de modèle” de l’Eglise, non plus fondé “sur le pouvoir mais sur des principes” comme la miséricorde, souligne José Manuel Vidal.

“Ils ont du mal à l’assumer”, mais dans leur “ADN” figure la fidélité au Vatican, assure-t-il. “Aujourd’hui moins radicaux, ils ne risquent plus de former une Eglise au sein de l’Eglise”.

source :La Libre
Publié le 27 septembre 2014 à 19h10
Madrid (AFP)
http://www.lalibre.be/dernieres-depeches/afp/l-opus-dei-defenseur-d-un-catholicisme-strict-en-perte-d-influence-5426efc2357030e61042a1d1