La nouvelle procédure judiciaire au Conseil des Prud’Hommes entre un salarié maître de conférences à l’UCO et l’association St Yves (qui en est l’organisme de gestion) que nous évoquerons plus loin a lieu dans un contexte de crise institutionnelle répercutée récemment par la presse angevine et s’inscrit dans un contexte de gouvernance autoritaire et de
spiritualité fascisante.
{(Centre Contre les Manipulations Mentales et L’Anjou Laïque, Journal de la Fédération des Oeuvres Laïques du Maine et Loire, n°109, 07/2014 :« Spiritualité fascisante à Angers ») que subit l’UCO (Université Catholique de l’Ouest) depuis fin 2012, les ultra-catholiques intégristes ayant été déjà épinglés par les medias, violence faite à des étudiants lors d’une conférence en février 2014 (http://etudiant.lefigaro.fr/lesnews/
actu/detail/article/angers-une-conference-a-l-universite-degenere-4396,
http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/02/22/violences-a-la-catho-d-angers-sur-fond-demanif- pour-tous_4371565_3224.html, http://www.angersmag.info/Deux-etudiants-agresseslors-
d-une-conference-a-la-Catho-d-Angers_a8758.html et Ouest France 19/02/2014: « Débat à la Catho. Deux étudiants blessés lors d’expulsions musclées »), réforme facultaire chaotique (Ouest-France, 12 juillet 2014 : « Enquête à la rentrée, big bang à la Catho d’Angers – Pourquoi une telle précipitation ? »), reprise en main de l’université par la
Communauté de l’Emmanuel, sous l’impulsion du dernier Recteur nommé, ancien modérateur de la Communauté (de 2000 à 2009). Il y a quelques mois, un débrayage réunissant une centaine de personnes a eu lieu le 30 novembre 2015 à l’UCO, traduisant un malaise certain.
Les manifestants avaient envahi les locaux administratifs de la Catho. à Angers (Courrier de l’Ouest 1/12/2015 : « Angers Malaise social à la Catho : une centaine de personnes ont débrayé lundi »).
}
La réforme facultaire elle-même, si, pour nombre d’enseignants, était nécessaire mais sa mise en oeuvre se fait à marche forcée. Surtout, disent les enseignants, « la Catho risque d’y perdre son âme », ce qui faisait sa spécificité par rapport à l’université publique d’Angers.
Cette réforme bouleverse non seulement les enseignants, mais aussi le personnel administratif. « Tout le monde est à bout de nerfs ». En cause, également, les méthodes du Recteur. Décrites par la plupart des enseignants interrogés comme « autoritaires ». « Il n’y a plus de place pour l’esprit critique dans cette université », résument plusieurs enseignants.

L’inquiétude a commencé à naître en écoutant celui-ci, Dominique Vermersch, a occupé différentes responsabilités au sein de la Communauté de l’Emmanuel : directeur de la Fidesco, responsable de la branche « Amour et Vérité », modérateur international de 2000 à
2009. Il est directeur adjoint du Bureau du Saint-Siège pour la reconnaissance des grades et diplômes de l’enseignement supérieur [instance de dialogue Église-État] (Golias 3/07/2014 :
« Renouveau charismatique – Université catholique de l’Ouest (UCO) : l’Emmanuel à la manoeuvre » et CIPPAD (Centre d’Information et de Prévention sur les Psychothérapies Abusives et Déviantes) : http://www.cippad.com/2014/07/renouveau-charismatiqueuniversite.
html). * phil.grosbois@free.fr

La Communauté de l’Emmanuel, qui s’inscrit également dans le courant du Renouveau charismatique, est cependant nettement plus positionnée à droite sur l’échiquier politique, liée à des personnalités comme Mme Christine Boutin ou M. Tugdual Derville, délégué général
d’Alliance Vita, l’une des principales associations organisatrices du mouvement La Manif pour tous. La venue de ce dernier à l’Université catholique d’Angers en février 2014, sera d’ailleurs à l’origine de certaines difficultés.

Quand les enseignants ont remarqué les deux mots qui émaillent tous ses discours : « vérité » et « éthique ». De beaux mots. Mais aussi : « Des mots clefs inquiétants. » A ce point ? Oui, répondent les enseignants. Car, selon eux, cela suppose une sorte de vérité universelle qui s’accommode mal du métier de chercheur. « Une approche dogmatique », rapporte l’un d’eux. « C’est la mission de l’université catholique que d’être au service de la vérité »,
rétorque le recteur. Tous dénoncent aussi une « atmosphère oppressante ». Qui risque de s’accentuer avec la nouvelle organisation de l’UCO qui a mis en place un doyen et un secrétaire général à la tête de chaque faculté. « C’est contraire à toutes les pratiques
universitaires». L’atmosphère est tellement tendue qu’un tract syndical prédit « un craquement social ». La réforme facultaire est pour beaucoup en train de tourner au cauchemar.

Comme l’écrit J.P. Boutinet, anthropologue et Professeur émérite et retraité de l’UCO
http://www.jeanpierreboutinet.fr/index.php?lirearticle=1&var_rubrique=105&var_rubrique1=105&v_global=56:
« le récent projet stratégique de l’UCO élaboré sous l’autorité de l’un de ces nouveaux recteurs venu d’une université publique ne fait référence à aucun moment à la situation historique singulière de l’université locale qui l’accueille ; dès les premières lignes de ce projet, le lecteur est invité à se propulser vers l’universel abstrait de pétitions de principe :
« L’UCO comme toute Université catholique trouve sa raison d’être dans le service de la vérité. Son projet est de la chercher, de la découvrir, de la communiquer dans tous les domaines de la connaissance ; et par suite de s’y attacher. Chercher le vrai découle en effet d’une préoccupation éthique qui s’en nourrit en retour ». Dans ce texte il n’est question ni de facultés, celles fondées dans les années 1875, notamment la Faculté de Théologie ouverte en 1878, ni d’Instituts, ceux créés en 1970, tous dispositifs pourtant essentiels en vue d’organiser
la formation, la recherche et la professionnalisation.

Tout en venant d’une université publique, ce recteur en mission est issu d’une communauté religieuse caractérisée par une spiritualité bien tranchée, la Communauté de l’Emmanuel, mouvement de moins en moins marginal dans l’espace ecclésial français, peu sensible à assumer dans ses priorités les orientations de Rerum Novarum et de Vatican II pour une Eglise plus ouverte sur le monde et soucieuse de justice. Il n’y a donc plus à terme de mystère dans l’université récemment reconfigurée, ni chrétien, ni humain ; le chrétien est invité à
suspendre sa réflexion personnelle pour fuir toute incertitude et s’immerger dans la vérité ; quant à l’humain, il est de peu d’importance, pliable et corvéable à merci.

Dans un tel contexte universitaire en pleine métamorphose depuis seulement quelques mois, quel intellectuel chrétien, au nom des valeurs qui le font vivre, qu’il a puisé dans cette exigence de présence au monde qui l’entoure pour témoigner malgré toutes les vicissitudes,
d’une espérance à vivre et à aimer, est à même de tolérer pareil syncrétisme et ce qu’il dissimule ou révèle en termes de valeurs d’asservissement? Comment peut-il vouloir survivre dans ce monde éthéré ? Quel intellectuel chrétien n’osera pas réagir face à ce qui est une dénaturation de ce en quoi il croît au plus intime de lui-même, qui lui a été initié dans des contextes éducatifs moins pathogènes? J’entends signifier mon désaccord d’intellectuel chrétien face à une caricature d’université catholique et à l’idéologie religieuse dévoyée qui
la fonde, assez éloignée, me semble-t-il, du message chrétien dans ce qu’il peut avoir de tonique et de subversif au regard de la souffrance et du malheur du monde.

Depuis plus de dix ans déjà l’université a dû affronter des turpitudes rectorales variées, la conduisant inéluctablement à un déclin. Ces turpitudes continuent, le déclin s’accentue, marqué par un désintérêt inquiétant de notre environnement. Je dis mon refus de cet inéluctable déclin : le réveil est possible pour peu que se manifestent au coeur même de l’université des solidarités constructives car ce qui se passe actuellement s’apparente à une déconstruction ; une telle déconstruction, si j’en juge par une expérience puisée au long de
ces quarante années, ne correspond ni à la sensibilité de la très grande majorité des étudiants que l’université recrute actuellement, ni aux aspirations de la plupart de ses salariés administratifs et enseignants, ni aux attentes que son environnement régional tant sociétal
qu’ecclésial se fait d’elle. »

Suite à la conférence de Tugdual Derville du 18 février 2014, les salariés et les étudiants ont diffusé le 27 du même mois un communiqué dont
voici le texte :
En tant que salariés de l’Université Catholique de l’Ouest, en tant qu’étudiants de l’UCO, nous ne nous reconnaissons absolument pas et nous nous désolidarisons totalement de la position que le Recteur de l’UCO a affichée à la fois lors de la conférence sur « L’écologie
humaine » de Tugdual Derville du mardi 18 février 2014 organisée dans un amphithéâtre de l’UCO et dans ses interviews postérieures diffusées dans la presse à ce sujet.
Notre université, comme toutes les universités, se doit de rester ouverte aux échanges et au débat démocratique ; c’est un lieu d’apprentissage du savoir mais aussi de la capacité acquérir une réflexion critique vis à vis de ce savoir et des dérives qui peuvent s’y glisser.
L’Université Catholique de l’Ouest n’est ni un parti politique ni une secte et n’a pas vocation à le devenir ; la caution apportée par son principal dirigeant à une telle manifestation relève d’une position idéologique qui n’a pas sa place dans l’université française.

Nous observons que :

1 – le Recteur de l’UCO n’est pas intervenu dans son université lors de l’expulsion de plusieurs étudiants lors de cette conférence, alors qu’il était présent et a introduit celle-ci avec deux représentants du diocèse d’Angers ; il n’a pas, par ailleurs, mobilisé la cellule de
crise de l’UCO qui aurait dû être sollicitée suite aux violences inqualifiables dont ils ont été
victimes par un service d’ordre interne à l’organisation de cette manifestation ;

2 – celui-ci a cautionné le discours idéologique qui s’y est tenu, alors que la notion « d’écologie humaine » selon Derville est une notion pseudo-scientifique d’écoblanchiement exprimant la volonté de « nettoyer la société d’idées soi-disant subversives», notion détournée
du sens de l’expression « écologie humaine » telle qu’elle est conçue par de nombreux scientifiques tels que le biologiste Jacques Ruffié ou le généticien Albert Jacquard ; l’écologie étant conçue comme une discipline traitant des interactions entre l’Homme et son
environnement, elle ne peut être qu’humaine ; par ailleurs, les sciences humaines et sociales abordent déjà la question sous l’angle des rapports entre l’Homme et son milieu social et culturel depuis des lustres, n’en déplaise à des idéologues comme Derville… ;

3 – il est inadmissible que les organisateurs de la oenférence aient fait appel à un service d’ordre privé (et non éventuellement à la Police), service d’ordre accepté sans broncher par le Recteur, alors que I’UCO accueille habituellement des conférenciers scientifiques et
diverses manifestations extérieures sans problèmes particuliers ; qui dit service d’ordre privé dans les murs de notre université signifie refus du débat et intolérance à la confrontation des idées ;

4 – si le Recteur de l’UCO suit son propre raisonnement jusqu’au bout, il devrait appliquer à lui-même l’invitation qu’il a exprimée dans la presse « à la responsabilité », autrement dit à présenter sa démission de la fonction de Recteur car cette attitude est incompatible avec sa
fonction actuelle dans une université ; s’il refuse de reconnaître sa part de responsabilité dans cette affaire, nous exigerons sa mise à pied par le Conseil d’Administration de l’association St Yves qui gère I’UCO.
Le collectif « Indignez-vous, étudiants et employés de I’UCO ».

Le 28 février, au cours de l’assemblée générale organisée le 28 février par le Recteur afin de se justifer, celui-ci a affirmé que « l’université doit devenir un lieu d’évangélisation »…
Rappelons que l’Emmanuel, clé de voûte du Renouveau charismatique en France, a une influence croissante au sein de l’Eglise catholique depuis sa création en 1976 et une implantation forte en Touraine via des maisons d’accueil recevant plus de 4 000 retraitants par
an. Les rencontres organisées par la communauté controversée de l’Emmanuel, à Paray le Monial est un lieu où s’est tenue en novembre dernier une discrète rencontre des « Chrétiens engagés en politique » réunissant toutes les têtes de réseaux opposés au mariage homosexuel
dont Christine Boutin, Christian Vanneste ou encore Bruno Gollnisch… La communauté de L’Emmanuel rassemble environ 7 000 fidèles dans le monde. Elle travaille autour de trois axes : l’adoration, la compassion, et l’évangélisation. Ce dernier mot que l’on pourrait entendre comme « prosélytisme », commente un prof. Selon les enseignants, le problème situe surtout dans la nouvelle façon d’aborder le phénomène religieux au sein de l’UCO. « Le poids de la religion est bien plus important », remarque un enseignant. Quel poids prend la
communauté de L’Emmanuel au sein de la Catho ? La question s’est posée pour une dizaine de personnes nouvellement nommées par le Recteur.

En France, les communautés de l’Emmanuel, les Béatitudes ou Fondacio sont des fers de lance emblématiques du Renouveau charismatique, courant apparu en Amérique du nord rapprochant le monde catholique du mouvement New Age. En 1994, le CIRFA fut accueilli par l’Université catholique de l’ouest, à Angers, rue Merlet de la Boulaye, à proximité
immédiate de l’Institut de Formation de l’UCO aux Métiers de l’Enseignement (IFUCOME) créé à la même époque.

Au cours de ces années, le CIRFA, changera de nom pour devenir l’Institut de Formation Fondacio Europe, IFF Europe. En 2012, IFF Europe rejoindra de nouveaux locaux, à l’extérieur de la Catho, tout en maintenant des liens étroits avec l’établissement qui l’avait
accueilli pendant près de vingt ans, notamment avec l’Institut des Sciences de la Communication et de l’Education d’Angers et avec l’Institut de Psychologie et Sociologie Appliquées.

Suite à la démission en août 2011 pour raison de santé du Recteur Guy Bedouelle, un intérim sera assuré par Robert Martin de Montagu avant l’arrivée à la rentrée 2012 de Dominique Vermersch. Cet intérim d’une année sera marqué par des plaintes déposées par deux
assistantes de l’Université catholique contre le recteur intérimaire pour atteinte à l’intimité de la vie privée et attouchements. Robert Martin de Montagu, enseignant dans l’établissement depuis une vingtaine d’années, y avait préalablement dirigé l’Institut de perfectionnement en
langues vivantes et l’IFUCOME. Le recteur sera condamné à 10 mois de prison avec sursis.

Depuis peu, on observe aussi une montée en puissance en Pays de la Loire d’une certaine intolérance… musicale. C’est ainsi qu’un mouvement intégriste a saisi le maire de Clisson pour tenter, en vain, de faire annuler le Hellfest, festival de musique rock, deuxième en France pour sa fréquentation après celui des Vieilles Charrues. Dans la foulée, le curé de Corzé en lien avec le diocèse d’Angers a interdit que soit joué dans son église le Galop Infernal d’Offenbach, qui figurait au répertoire du concert de printemps de la Lyre Jarzéenne !

Un enseignant de l’IPSA (celui-ci étant désormais rattaché, suite à la réforme, à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales) a porté plainte au Conseil des Prud’Hommes contre l’Association St Yves. L’audience (publique) aura lieu le mercredi 13 juillet 2016 à 14h au Conseil de Prud’Hommes au 18, rue Prébaudelle à Angers.

Des dommages et intérêts sont demandés par cet enseignant au titre de :
– préjudice subi relatif au refus injustifié d’une demande de promotion comme maître de conférence 1ère classe et violation de l’accord d’établissement du 9 janvier 1991 ;
– préjudice subi relatif au manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;
– préjudice subi pour absence d’entretiens annuels relatifs à l’évolution de carrière ;
– préjudice subi pour absence du suivi médical obligatoire.
Ce jugement s’inscrit dans le prolongement des longs démêlés judiciaires de l’Association St Yves – UCO avec des salariés ayant porté plainte, ce qui tendrait à illuster que celle-ci n’est pas en « odeur de sainteté » avec la Justice ! Selon les archives de Légifrance, l’UCO a déjà
subi les foudres de la Justice depuis 1996. Quelques exemples :
– 1996 : affaire Chantal Z., Cour d’Appel
– 1998 : affaire Chantal Z., Cour de Cassation
– 1998 : affaire M. Bernard X., Cour d’Appel
– 2001 : affaire M. Bernard X, Cour de Cassation
– 2009 : affaire Mme Y., Cour de Cassation
– 2011 : affaire Mme F., Cour d’Appel
– 2012 : affaire Mme Emilia X., Cour d’Appel
– 2013 : affaire M. Charles X., Cour d’Appel
– 2014 : affaire Mme X., Cour de Cassation.

L’Université Catholique de l’Ouest, après les évènements précités où s’entremêlent spiritualité fascisante et enseignement universitaire, défraie ainsi la chronique judiciaire !