Le 17 mai dernier, « Sud Ouest » publiait un reportage sur un viticulteur bordelais utilisant des cornes et des bouses de vache pour la culture de ses vignes dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la biodynamie. Cet article, et la mise en avant d’une pratique qui n’est pas reconnue par la communauté scientifique, a fait réagir des lecteurs.
Cette polémique est-elle justifiée ? Fondé au début du XXe siècle par l’Autrichien Rudolph Steiner, ce courant pseudoscientifique, ésotérique et philosophique entend marier l’humain, la nature et les forces de l’univers. Ses applications vont de l’éducation à la production de biens et de produits. Si en effet, ce mouvement a fait l’objet de deux signalements par la Miviludes, il n’est cependant pas classé comme secte.
Docteure en anthropologie sociale et ethnologie, Christelle Pineau, chercheuse à l’Université Montesquieu de Bordeaux, a consacré sa thèse d’anthropologie à ces viticulteurs qui mettent en pratique la biodynamie. « L’anthroposophie, dont la biodynamie est une émanation, n’est pas reconnue dans le savoir scientifique. Chez certains viticulteurs, la démarche peut être associée à une forme de spiritualité mais tous souhaitent produire un vin de qualité en voulant respecter davantage la terre, en utilisant moins d’intrants et donc, dans une dimension plus agroécologique. Un jour, un vigneron m’a dit qu’il pratiquait la biodynamie laïque et républicaine. En tout cas je n’ai pas eu l’impression d’avoir en face de moi des gens appartenant à la secte Moon et ou à celle du Temple solaire », dit-elle
« Ce ne sont pas des hurluberlus car la biodynamie est une prise de risque et exige beaucoup plus de surveillance des vignes »
Journaliste, responsable de la rubrique viticole, César Compadre dit assumer totalement ce reportage. « La biodynamie existe déjà depuis pas mal d’années et, jusqu’à présent, aucun article n’avait suscité de polémique. Mais, il s’agit du premier texte sur l’utilisation de cornes de vaches enfouies dans la terre, puis déterrées. C’est un phénomène qui existe et, en tant que journaliste, il me semble important d’en parler et de le montrer aux lecteurs. À aucun moment, le journal prend position. Les gens, dont je précise qu’ils sont tous ingénieurs ou œnologues, s’expriment mais il s’agit de leur point de vue. Ce ne sont pas des hurluberlus car la biodynamie est une prise de risque et exige beaucoup plus de surveillance des vignes. »
Il ne s’agit pas ici de savoir si les forces cosmiques influent sur la qualité des vins, ce qu’une des personnes interrogées dans le cadre du reportage a pourtant affirmé. À tort et une précision indiquant qu’aucune étude scientifique ne l’a démontré n’eut pas été superflue.
Le débat se situe en effet ailleurs. Y a-t-il une limite au choix des sujets en dehors de ce que la loi et la déontologie interdisent ? Ce n’est pas parce que l’anthroposophie est surveillée par la Miviludes qu’un journal doit s’interdire de traiter de biodynamie. C’est au journaliste, une fois sur le terrain, qu’il appartiendra de décider si l’information est utile aux lecteurs. Évoquer des usages controversés mais bien réels, effectuer des reportages sur des trafiquants d’être humains, de drogue, n’est pas en faire l’apologie.
source : https://www.sudouest.fr/redaction/journal-des-lecteurs/la-chronique-du-mediateur-la-polemique-autour-de-la-biodynamie-est-elle-justifiee-11075803.php