Alors qu’une « Charte sur les bonnes pratiques relatives à l’emploi des dispositifs de géolocalisation en gérontologie » (PDF) a été élaborée sous l’égide du ministère de la Santé puis publiée le 25 juin dernier, la CNIL a annoncé aujourd’hui qu’elle allait mener une réflexion sur les systèmes de suivi et d’assistance électroniques des personnes âgées ou désorientées.
Le vieillissement de la population et le développement des nouvelles technologies ont conduit à l’apparition ces dernières années de très nombreux outils destinés aux personnes âgées, souffrant d’un manque d’autonomie, ou ayant certaines déficiences. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle parfois les « gérontechnologies », lesquelles se concrétisent par exemple au travers de ces bracelets électroniques permettant de déclencher une alarme à distance. C’est également le cas de ces capteurs de mouvement ou de température placés au domicile d’un individu, des boîtiers de géolocalisation, etc. Si ces technologies sont censées apporter une aide à leurs utilisateurs, notamment sur un plan médical, leurs incidences ne sont pas neutres sur le plan de la vie privée. C’est en tout cas que le message que tient aujourd’hui à faire passer la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

« Ces dispositifs apparaissent comme des outils de suivi, de prévention et d’assistance efficaces et sont, ainsi, susceptibles de favoriser l’autonomie des personnes, leur maintien à domicile et leur liberté d’aller et venir » reconnaît tout d’abord la gardienne des données personnelles. L’institution prévient cependant que ceux-ci « ne doivent pas porter une atteinte excessive aux droits et libertés des personnes, en particulier leur dignité ». Selon la CNIL, l’utilisation des « gérontechnologies » doit effectivement se faire à partir de « garanties appropriées en fonction de l’état de la personne ».

Vers l’élaboration de nouvelles recommandations
Face à l’essor de ces nouveaux outils, l’autorité administrative indépendante vient d’annoncer qu’une réflexion allait être menée à ce sujet par son département en charge des études, de l’innovation et de la prospective, au travers de la thématique « Santé et bien-être dans le monde numérique ». Si l’objectif est à terme d’élaborer de nouvelles recommandations en la matière – en concertation avec les acteurs concernés – la CNIL présente dès à présent une série de conseils pratiques visant à mieux encadrer l’utilisation de ces technologies :

•« Il convient de recueillir l’accord de la personne concernée. Dans le cas où il ne peut être obtenu, il faut au minimum l’informer de la mise en place du dispositif et recueillir l’accord de ses représentants légaux ou de ses proches.
•Ces dispositifs doivent pouvoir être désactivés et réactivés aisément et à tout moment par les personnes concernées, lorsque celles-ci sont en possession de leurs moyens.
•Plutôt qu’une surveillance permanente par un tiers, il est préférable de privilégier les dispositifs qui laissent à la personne concernée l’initiative de la demande d’assistance.
•La procédure de gestion des alertes doit être formalisée dans un protocole destiné à promouvoir le bon usage et l’efficacité du système.
•Lorsque des caméras sont utilisées, elles ne doivent pas être placées dans des lieux où le respect de l’intimité s’impose (toilettes…).
•Lorsque l’initiative de la surveillance émane de tiers, la mise en œuvre des dispositifs doit reposer sur une logique de prévention individuelle du risque, non sur une logique de précaution générale. Par exemple, il ne saurait être institué de recours systématique à ce type de dispositif pour l’ensemble des pensionnaires d’une maison de retraite ou l’ensemble des personnes présentant un trouble du discernement. »
La CNIL le reconnaît cependant : la pertinence de la mise en œuvre de ces dispositifs ne peut être évaluée qu’au cas par cas. Une pertinence dont le contrôle devrait reposer selon les vœux de l’autorité administrative sur un avis médical et faisant l’objet de réévaluations régulières.

La CNIL pointe des limites à l’utilisation de ces nouvelles technologies
Pour mieux justifier l’ouverture de cette réflexion, l’institution adopte un ton assez pessimiste quant à l’utilisation de ces technologies. Elle explique ainsi avoir observé « une tendance en faveur de la substitution de réponses technologiques aux comportements humains de vigilance ». La CNIL perçoit ici « un risque de déresponsabilisation des acteurs concernés au profit de technologies qui ne sont pas infaillibles ». La gardienne des données personnelles milite au passage pour que ces instruments ne remplacent pas l’intervention humaine, que ce soit celle des proches ou bien des professionnels de santé. « En outre, l’efficacité de ces dispositifs requiert la présence de personnes qui seront en mesure de réagir en cas d’alerte. À défaut, la protection technique mise en œuvre de manière renforcée pourrait s’avérer contre-productive, en créant l’illusion d’une protection » abonde enfin la Commission.

Xavier Berne
Journaliste, spécialisé dans les thématiques juridiques et politiques.

Publiée le 24/07/2013 à 16:54