La grande majorité des pays européens ne dispose pas de loi, et règle les problèmes au cas par cas comme la France avant que la loi soit votée /Fabien Cottereau/Sud Ouest

Les magistrats de la Cour européenne des droits de l’homme ont rejeté les requêtes de cinq familles dont les enfants avaient été exclus. Cette décision valide la position française

C’est la première fois qu’une instance européenne se prononce sur des litiges postérieurs à la loi interdisant le port de signes religieux dans les enceintes scolaires publiques. La Cour européenne des droits de l’homme vient de déclarer irrecevables les plaintes contre la France de cinq familles (Aktas, Bayrak, Gamaleddyn, Ghazal et Singh) sur des faits remontant à la première rentrée après le vote de la loi (voir ci-dessous). Elle renforce ainsi la position française concernant la laïcité.

A la rentrée 2004, les jeunes filles de confession musulmane s’étaient présentées en classe les cheveux couverts d’un voile ou d’un bonnet. Les garçons, de religion sikh portaient le « keski », une sorte de sous-turban. Les chefs d’établissement avaient alors jugé qu’il s’agissait de signes ostentatoires. Après quelques semaines, les conseils de discipline avaient exclu définitivement les élèves. Leurs familles ont depuis enchaîné les procédures auprès des tribunaux administratifs, et devant le Conseil d’Etat, pour certaines. Elles n’ont jamais obtenu gain de cause. Les parents et leurs avocats ont notamment invoqué des restrictions à la liberté religieuse ainsi que des discriminations.

La Cour européenne précise que l’interdiction de porter un signe d’appartenance religieuse représente effectivement une restriction à la liberté des élèves d’exprimer leur religion. Mais elle ajoute qu’il est parfois nécessaire d’assortir cette liberté de limitations propres à concilier les intérêts des différents groupes. Elle souligne que les exclusions ont été motivées par « des impératifs de protection des droits et libertés d’autrui et de l’ordre public » et non des « objections aux convictions religieuses ».

A l’appui de leur décision, les magistrats rappellent « l’esprit de compromis nécessaire de la part des individus pour sauvegarder les valeurs d’une société démocratique ». Ne souscrivant donc pas aux arguments des familles évoquant la discrimination, ils jugent enfin que la sanction n’est pas disproportionnée, «les élèves ayant eu la possibilité de poursuivre leur scolarité au sein d’établissements d’enseignement à distance ».

Ce verdict signe la fin des recours possibles de la part des parents. Maître Devers, avocat lyonnais de la famille Gamaleddyn, indique toutefois qu’il a l’intention de s’adresser au comité des droits de l’homme de l’ONU. « La Cour a jugé irrecevable notre demande sans examiner nos moyens de défense. Ce n’est pas rigoureux » juge-t-il.

En l’état, la décision conforte la loi française, plus sévère que les usages en cours de la plupart des pays européens. La grande majorité ne dispose pas de loi, et règle les problèmes au cas par cas comme la France avant que la loi soit votée. Celle-ci a, en tout cas, changé la donne. L’année précédente, une centaine de cas avaient été relevés. Dans le courant de l’année scolaire 2004-2005, une petite cinquantaine d’élèves ont été exclus. Par la suite, les litiges n’ont fait que diminuer. « Le contexte est apaisé » assure l’inspecteur d’académie de Seine-Saint-Denis, Daniel Auverlot. Responsable des services de l’Education nationale dans un département auparavant coutumier des litiges – notamment avec membres de la communauté sikh -, l’inspecteur affirme que les contentieux avec les élèves ont désormais disparu. Au centre national d’enseignement à distance, on estime que le nombre d’inscriptions motivées par l’interdiction d’afficher sa religion en classe est très faible. Enfin, le ministère de l’Education nationale ne relève plus aucun incident.

Muriel Florin