Dépassé par vos enfants turbulents? Consultez un coach familial. Désespéré dans vos recherches pour trouver l’âme soeur? Appelez un coach amoureux à la rescousse. Étranglé par les dettes? Un coach financier se penchera sur votre cas. Meilleure organisation du temps, changement de look, perte de poids, réorientation de carrière: quel que soit votre objectif, vous trouverez un coach qui se consacre à la question. Il existe même un coach de rêves, clamant sur son site web avoir «développé une méthode gagnante qui vous permettra de réaliser vos rêves les plus fous». Rien de moins!

Voilà déjà un certain temps que le coaching a migré des cercles sportifs vers le monde des affaires et, finalement, vers tous les domaines de la vie. Mais cette prolifération à tout crin des coachs suscite de plus en plus d’inquiétude, notamment celle des psychologues et… des coachs eux-mêmes – enfin, ceux qui affirment détenir une formation sérieuse et mettent en garde la population contre des charlatans qui s’approprient ce titre.

«Le titre de «coach» n’est pas protégé, malheureusement, alors n’importe qui peut s’improviser coach, souligne JoAnne Duquette, directrice générale de la Fédération internationale des coachs du Québec (FICQ). Chaque client a la responsabilité de vérifier les qualifications de la personne qu’il consulte.»

La FICQ compte 125 membres, qui doivent avoir complété une formation d’au moins 60 heures pour être accrédités par l’organisme. Est-ce suffisant? Un autre organisme québécois, la Société internationale des coachs en PNL, soutient de son côté que ses 150 membres ont reçu au moins 1000 heures de formation en PNL – ou programmation neurolinguistique, une méthode de changement du comportement, qui suscite cependant une certaine controverse. Les deux organismes sont dotés d’un code de déontologie que les membres s’engagent à respecter.

Chose certaine, une multitude de coachs qui ne sont reconnus par aucun de ces organismes s’affichent dans le web, avec des qualifications qui relèvent parfois plus de l’ésotérisme que de la science. L’une affirme qu’elle a des dons, et remet à ses élèves une attestation de l’École de la sagesse intérieure. Une autre cite des extraits de La prophétie des anges. Certains pratiquent le reiki, l’hypnose, les soins énergétiques, l’analyse des rêves, le toucher thérapeutique, le décodage biologique, se réclament de l’«amour divin nouveau» ou utilisent une hutte de sudation, du même type que celle où est morte «cuite» une femme de 35 ans, l’été dernier, au cours d’un séminaire de croissance personnelle à Durham-Sud. Un autre, enfin, se décrivant comme «coach en succès», affirme sans ambages qu’il n’a pas de formation et n’en a pas besoin. «Je connais le succès et tout ce que je touche se transforme en succès», assure-t-il.

Ce foisonnement de coachs autoproclamés inquiète la présidente de l’Ordre des psychologues du Québec, Rose-Marie Charest. «J’incite les gens à être très très prudents, dit-elle. Ils doivent se rendre compte qu’un coach peut avoir énormément de pouvoir sur leur vie. Si vous laissez quelqu’un entrer dans votre maison, si vous dévoilez votre vie personnelle et financière, ce coach doit avoir un sens des responsabilités à la mesure du pouvoir que vous lui prêtez.» Elle recommande de choisir un coach encadré par un ordre professionnel qui pourra intervenir en cas d’abus.

Un coach sérieux, note Mme Charest, ne devrait jamais promettre de résultats pour attirer la clientèle. De plus, il a la responsabilité de référer son client à un autre professionnel au besoin. «Le coaching peut rendre d’excellents services à certaines personnes, dans certaines situations, dit-elle. Mais s’il s’agit d’une personne qui a besoin d’une évaluation pour un trouble psychologique ou mental, seuls les médecins ou les psychologues ont les compétences pour le faire.»

Les troubles anxieux, par exemple, ne se règlent pas par coaching, souligne la psychologue. Pourtant, une coach de la rive nord de Montréal affirme justement traiter les problèmes d’anxiété et de dépendance. «Si on ne réussit pas à les contrôler, ils peuvent mener à l’alcoolisme, à la dépression majeure et, dans certains cas, au suicide. Consultez avant qu’il ne soit trop tard», explique la coach sur son site web, à côté d’une annonce qui propose aussi de passer dans un salon de coiffure pour une métamorphose extérieure…

Lors du procès du Dr Guy Turcotte pour le meurtre de ses deux enfants, le coach de vie du médecin, Luc Tanguay, a été appelé à témoigner. Le Dr Turcotte et son ex-conjointe, Isabelle Gaston, le consultaient pour des problèmes de couple et de communication. Le Dr Turcotte lui avait parlé trois jours avant le drame. M. Tanguay aurait-il dû référer son client à un professionnel? La question ne semble pas avoir été abordée au cours du procès. Guy Turcotte a été déclaré non-criminellement responsable des meurtres, en raison d’un trouble d’adaptation.

Selon une vaste étude menée en 2011 par la Fédération internationale des coachs, 55% des coachs canadiens croient que le coaching devrait être réglementé, par les associations de coaching professionnel. Le problème le plus important dans leur domaine, selon 39% des coachs, ce sont les individus sans formation qui se donnent le titre de coachs.

«C’est certain que la multiplication des coachs porte ombrage à notre profession, souligne Mario Bouffard, président pour le Québec de la Société internationale des coachs en PNL. C’est pour cette raison que l’on veut faire connaître le professionnalisme des coachs certifiés.»

Coachs 101

La Fédération internationale des coachs (FIC) définit le coaching comme «la mise en place d’un partenariat avec les clients dans le cadre d’un processus de réflexion et de créativité, afin de les inciter à optimiser leur potentiel à la fois personnel et professionnel».

En quelques points

> Il y aurait 15 800 coachs en Amérique du Nord, dont 72% sont membres de la FIC.

> Tarif moyen: 214$ de l’heure

> 55% des clients paient de leur poche, et 45% sont envoyés par leur entreprise.

> Au Canada, 75% des coachs sont des femmes

> Domaines principaux d’intervention: croissance personnelle, relations interpersonnelles et équilibre travail-vie

> 58% des clients sont des femmes
Source: Étude internationale sur le coaching, 2012, FIC

Source :
le 02 avril 2012
Isabelle Ducas, collaboration spéciale
La Presse

http://www.cyberpresse.ca/vivre/201204/02/01-4511569-la-derive-des-coachs-de-vie.php