La première grande question, qui taraude l’Etat depuis que Jules Ferry en a fait le garant de l’instruction des enfants, c’est combien d’enfants échappent aux radars des services de l’État et ne sont pas “instruits” ? A ce sujet, la députée Anne Brugnera (LaREM), explique “j’ai vu passer des enquêtes de mairie préoccupantes, faisant état de familles repliées sur elles-mêmes. Sur ce sujet, nous manquons de données et de suivi”.
En fait, selon les derniers chiffres de l’Éducation nationale, 30 000 enfants sont instruits à domicile, soit 0,3 % de la population en âge d’être scolarisée (de 6 à 16 ans). Une proportion marginale, bien éloignée des 3,5 % recensés aux États-Unis. Elle est cependant en augmentation.
Derrière cette augmentation, il faut s’inquiéter d’éventuelles conséquences de dérives sectaires et les situations de radicalisation religieuse. Sur les 2 500 demandes qu’elle reçoit chaque année, la Mission de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) en recense un quart lié à des faits touchant les mineurs, dans lesquels la dimension éducative est presque toujours mentionnée.
Ce sont en fait, 9 propositions qui ont été rendues publics par les deux rapporteurs. Elles tournent d’une part autour d’un meilleur recensement par les maires de la population scolaire sur leur territoire. Une tâche plus difficile au fur et mesure, en raison de la mobilité croissante des Français, dans les grandes villes notamment. Le rapport relève aussi, que dans le monde de l’instruction à domicile et des écoles hors contrat, les élèves n’ont pas de numéro d’identification, comme c’est le cas dans le public et le privé sous contrat. Un numéro qui permet de les suivre, au fil des radiations et inscriptions.
D’autre part, le suivi des services de l’État pèche aussi sur les contrôles que les mairies doivent mener tous les deux ans et l’Éducation nationale tous les ans. Seulement, deux tiers des instruits à domicile sont effectivement contrôlés. Les contrôles pédagogiques s’avèrent aussi incomplets dans leur contenu. Les inspecteurs doivent vérifier que l’enfant reçoit une instruction qui l’amènera, à 16 ans, à la maîtrise du “socle commun de connaissances et de compétences” défini par l’Éducation nationale.
Ces contrôles se heurtent aux défenseurs de l’instruction en famille, qui font valoir une philosophie précisément différente. Ils s’appuient sur le droit à instruire leurs enfants, inscrit dans la loi de 1882. On retrouve dans cette mouvance, une nébuleuse répondant à une défiance à l’égard de l’institution. Les raisons invoquées peuvent être philosophiques, idéologiques ou religieuses, pour la sauvegarde d’un mode de vie, la situation de santé de l’enfant, harcèlement, phobies scolaires. Le rapport parlementaire dresse une longue liste de motivations, mais ils séparent les déscolarisations “choisies” et “subies”.
Pour finir, le rapport insiste sur le renforcement de la mise en place d’évaluations scolaires identiques nationalement. “Nous avons besoin d’évaluation. Les familles n’y sont pas fondamentalement opposées”, affirme Anne Brugnera. À la rentrée 2019, les tout-petits seront également concernés par les contrôles. A cette date, l’instruction deviendra obligatoire à partir de 3 ans, comme l’a annoncé le président Macron.
Crédit photo : Julie Kertesz