Quand d’année en année le jihad s’effiloche ; quand les Etats-Unis saisissent enfin que, de la Somalie à l’Afghanistan en passant par l’Irak, une préoccupante distance existe entre terreur salafiste d’une part et islam tribal de l’autre, imaginons les plausibles terrorismes de demain.
Où regarder ? Que chercher ? Comme elles sont dans l’air du temps, comme, de Breivik à Merah, on en voit déjà d’inquiétantes prémices, envisageons d’abord les formes qu’à l’horizon prévisible, pourrait prendre la violence des illuminés, délirants ou sectaires.

Waco, vingt ans déjà cette année.
On en sait si peu sur cette tragédie texane – 76 morts dont 23 enfants et deux femmes enceintes ! Et, du moins en Europe, nulle réflexion sensée sur l’affaire – alors qu’à Waco, 23 des 53 morts adultes sont européens (britanniques). Or bien sûr – car rien n’est jamais fini quand il s’agit des sectes – les “Branch Davidians” sont toujours implantés à Waco, mais aussi ailleurs dans le monde. Nous le verrons plus bas.

Méditons donc d’abord sur Waco et ses séquelles – non comme stérile exercice historique de retour au passé, mais comme possible bouffée terroriste sise dans notre avenir ; comme un exercice concret du savoir-qui-pressent.

Nous sommes en mars 1993 à Waco, qui fut jadis la terre des Indiens Huecos (d’où son nom, américanisé en “Waco”). Depuis les années 1950, une petite secte évangélique-apocalyptique, les “Branch Davidians”, est installée à la périphérie de la ville, sur un aride campus baptisé “Mont Carmel”. Dès la décennie 1950 d’ailleurs, un “prophète” y annonçait la fin des temps.
Dans une lecture littéraliste-hallucinée de la Bible, quelques dizaines d’illuminés cherchent à Mont Carmel la justification de leurs hantises et de leurs délires mystiques.
A quoi il faut ajouter l’influence des “prophètes” de l’Eglise (moins radicale) des Adventistes du 7e jour et un fort sécessionnisme texan. Car au jour du Jugement, c’est à Waco qu’adviendra la résurrections des corps. Toute l’humanité renaîtra – même Hitler, certifie-t-on à Mont Carmel.

En 1993, le “prophète” du moment est Vernon Howell, dont le nom biblique est “David Koresh”. Bien sûr, Howell règne sexuellement sur ses fidèles – c’est dans la Bible ! “Koresh” a pour “mission divine” d’engendrer les 24 Anciens qui jugeront l’humanité à la fin des temps. D’où des “mariages” en chaîne avec les femmes de Mont Carmel, célibataires, mais aussi compagnes et filles des autres “Branch Davidians”.

Certaines des “épouses” mystiques ont 14 ans…

A cela vient encore s’ajouter le “survivalisme”. Il faudra tenir le choc lors de l’Apocalypse – à ce prix est la survie de la communauté des “élus” ! Donc les armes et les munitions s’empilent à Mont Carmel. La secte en fait même un commerce, légal au Texas. Hormis cela, les “Branch Davidians” sont plutôt de doux dingues. Pas d’antécédent d’actions violentes sur le campus, ni d’histoires avec la police locale.
Tel est le cadre de la tragédie.

Sorte de gabelle fédérale chargée de contrôler et taxer les armes, le tabac et les armes à feu, l’ATF débarque alors à Mont Carmel. Par dizaines, façon Robocop, des hommes lourdement armés bondissent d’hélicoptères. La secte a-t-elle bien payé toutes ses taxes ? Car, l’absurde origine du drame est un banal contrôle fiscal.
Le ton monte vite à Mont Carmel où, souvenons-nous, de fatalement instables illuminés attendent la fin des temps. C’est alors qu’une arme apparaît… La première fusillade fait 9 morts, dont 5 fédéraux.
Exit l’ATF.

Au tour du FBI d’encercler le campus. “No surrender” clame aussitôt le “prophète”. En un effrayant déchaînement de violence d’Etat, des chars d’assaut entrent dans la danse. Des canons ouvrent le feu sur Mont Carmel.

Rappel, tant l’histoire est inouïe : il s’agit juste, à l’origine, d’un retard dans le paiement d’une taxe.
Les “Branch Davidians” attendaient l’Armageddon ? Ils ont droit à Apocalypse Now. Le 19 avril 1993, au 51e jour du siège, un gigantesque incendie engouffre et anéantit Mont Carmel. 76 morts. 7 survivants de la secte filent en prison (dont deux Britanniques et un Australien).

Mais le drame est loin d’être consommé. Car quand débute la décennie 1990, Timothy McVeigh, jeune vétéran de la guerre du Golfe, visite parfois Mont Carmel et s’attache aux “Branch Davidians”. Ulcéré par le drame, McVeigh décide de les venger. Et prépare un attentat dont, comme d’usage, le FBI n’apprendra ni ne surprendra rien.
Le 19 avril 1995 (2e anniversaire de la tragédie), une camionnette bourrée de 700 kilos de nitrate d’ammonium détruit l’immeuble fédéral d’Oklahoma City qui abrite les bureaux de l’ATF et du FBI. 168 morts, 450 blessés, 324 immeubles ravagés alentour. Tout inclus, l’attentat coûte 6 000 dollars. Et provoque pour 650 millions de dollars de dégâts.
Condamné à mort, McVeigh est exécuté en juin 2001.

Dans une superbe enquête, Esquire (octobre 2013) révèle que de 20 à 30 “Branch Davidians” vivent toujours sur le campus de Waco. Ils y attendent bien sûr l’apocalypse et aussi, en prime, la résurrection de “David Koresh”.

Quelles leçons tirer de ce drame ?
• D’abord une cruciale surveillance des illuminés type “Branch Davidians”, surtout de leurs mouvances – McVeigh n’est pas un fidèle de la secte, juste un proche.
• Une surveillance aussi légère et discrète que possible. Rien de pire que d’aggraver encore la paranoïa d’individus déjà convaincus d’avoir à affronter tous les diables avant d’accéder au paradis. Disposition encore aggravée par le “délire à plusieurs” (en psychiatrie : “type de persécution partagé par deux ou plusieurs individus”).
• Surtout, anticiper. Pour l’attentat, la génération spontanée n’existe pas plus qu’en biologie. Dans le cas très voisin d’un Breivik : un même individu perturbé achète des quintaux d’un fertilisant agricole explosif et en même temps, des armes de guerre. Il prépare forcément un massacre ou un attentat. Cela peut et doit être détecté.

source : Le Nouvel Economiste
04/12/2013 Par Xavier Raufer

http://www.lenouveleconomiste.fr/waco-retour-sur-un-massacre-20755/