« Arrêtez ces conneries ! C’est de la foutaise ! » Ce vieil habitant de Bugarach coupe court à la conversation. Son regard en dit long. Si tout ce qu’on raconte est vrai, « moi, je m’appelle la Callas ! »
Depuis plusieurs mois, une rumeur court sur Internet : Bugarach, village de 194 habitants dans l’Aude, serait le seul à échapper à l’apocalypse du 21 décembre 2012 (lire ci-dessous). Rien de moins ! Il y a encore peu, cette rumeur faisait sourire le maire, Jean-Pierre Delord. « Depuis 40 ans que je vis ici, des histoires farfelues, j’en ai toujours entendues », rappelle l’édile. Tous ces récits se concentrent autour du pic de Bugarach, le point culminant des Corbières (1 231 m). Pour certains soucoupistes, le pic serait un garage à ovnis. Pour l’association « L’appel du Bugarach », le mont abriterait des « êtres de lumière » qui enseigneraient « aux hommes la connaissance que tout est énergie »…
Ainsi va la vie à Bugarach. À l’ombre de son pic, divers groupes ésotériques cohabitent avec les villageois et les simples randonneurs (20 000 l’an passé). Et, jusqu’à présent, il n’y avait pas de quoi réveiller la bourgade à l’heure de la sieste.
Un stage de survie pour 2012
Toute l’agitation actuelle émane de cette échéance du 21 décembre 2012. Plus elle se rapproche et plus la rumeur s’emballe. Sur Internet et dans les médias. Mais pas seulement. « La chose qui m’inquiète, c’est qu’il y ait un afflux de personnes le 21 décembre. Je ne voudrais pas qu’une secte s’en serve pour organiser je ne sais quel sacrifice », prévient le maire, à qui certains habitants reprochent de trop en parler.
Alertée, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a décidé de surveiller ce village. Elle redoute, elle aussi, d’importants rassemblements le jour J. « Dans l’immédiat, ce n’est pas, non plus, la ruée », temporise le sous-préfet de Limoux, Olivier Tainturier, qui est davantage intrigué par l’exploitation mercantile faite autour de cette rumeur. La fin (du monde) fait sortir les loups du bois…
Dans les Côtes-d’Armor, une société propose un stage de survie intitulé « 2012 et après ». Coût des deux jours en novembre 2011 : 160 €. Du 2 au 9 juillet, à Bugarach, se déroule une « semaine de rencontres sur le partage de nos expériences du temps synchronique, selon le code Maya du calendrier des treize lunes ». Comprenne qui pourra…
Immobilier : les prix grimpent
Mais cette exploitation de la rumeur ne provient pas seulement des groupes ésotériques. L’immobilier en pâtit aussi. « Des maisons qui valent 240 000 €, s’affichent à 390 000 €. Certains propriétaires veulent profiter de l’aubaine », reconnaît une agence immobilière des environs. Vigilant, le sous-préfet de Limoux a déjà « rappelé à l’ordre les élus locaux » qui seraient tentés de « faire monter la mayonnaise ».
Et ainsi d’encourager ces excès. Sigrid Benard, qui gère la Maison de la nature à Bugarach, est d’ores et déjà inquiète. « Le village se développait grâce à une activité liée au tourisme vert. Mais là, avec toutes ces histoires, il y a des randonneurs qui ne viennent plus », se désole-t-elle.
Bref, à Bugarach, les habitants aimeraient que la rumeur se dégonfle. Après tout, raconter que le village survivra à 2012, ce n’est pas la fin du monde…
Source : OUEST FRANCE / lundi 11 juillet 2011
par Pierrick BAUDAIS.