Les Miviludes changera de président en octobre.

CATHERINE COROLLER

QUOTIDIEN : mardi 9 septembre 2008

Avec son affirmation, partiellement démentie ensuite, selon laquelle «en France, les sectes sont un non problème», Emmanuelle Mignon, alors directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, avait en février mis le feu aux poudres. D’autant qu’elle avait ajouté, à propos des scientologues: «Je ne les connais pas, mais on peut s’interroger. Ou bien c’est une dangereuse organisation et on l’interdit, ou alors ils ne représentent pas de menace particulière pour l’ordre public et ils ont le droit d’exister en paix.»Les tenants d’une lutte sans pitié contre les sectes y avaient vu une inflexion de la politique française dans un sens beaucoup plus libéral, voire atlantiste, Nicolas Sarkozy étant soupçonné de vouloir s’aligner sur les Etats-Unis où la liberté de croire est absolue, et la scientologie a pignon sur rue. Et puis le soufflé est retombé.

Successeur. Or, demain se réunit le Conseil d’orientation de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Le nom du successeur de son actuel président, Jean-Michel Roulet (lire page 4), dont le mandat s’achève fin octobre, pourrait être révélé. Du coup, les deux camps réarment. Selon l’anthropologue Nathalie Luca (1), «soit on va nommer quelqu’un qui continue une politique antisectes très dure, nous plaçant en dehors de l’Europe occidentale, soit on décide de s’inspirer de la façon beaucoup plus pragmatique dont nos voisins traitent ces questions» – e n clair, on réprime ce qui est puni par la loi et on arrête les procès d’intention pour le reste. Membre de la Miviludes, cette chercheuse en avait démissionné en novembre 2005 suite à la nomination de Jean-Michel Roulet, au motif qu’elle refusait d’être liée «à un prévisible durcissement de la position» de cette instance.

L’autre camp, incarné notamment par Catherine Picard, présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu (Unadfi), refuse de baisser la garde. «Bien sûr, la spécificité française, la laïcité, le climat plutôt méfiant vis-à-vis des religions ont un peu entravé la progression de mouvements comme la scientologie. Mais du coup, cette secte fait auprès de l’Europe le lobbying qu’elle ne peut pas faire en France.» Selon elle, l’organisation a un vrai pouvoir de nuisance. «Elle a développé des réseaux dans une multitude de secteurs : formation, maintenance informatique, agences immobilières, santé…» Et surtout «il y a de vraies victimes», insiste-t-elle.

«Problème». Après l’emballement provoqué en février par les propos d’Emmanuelle Mignon, le gouvernement fait aujourd’hui profil bas. Pour éteindre la polémique qu’elle avait elle-même lancée, la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy avait affirmé au Figaro que «s’il y a des mouvements sectaires qui abusent de la faiblesse des gens […] il y a un problème. On cherche d’ailleurs les moyens de renforcer notre action contre ces mouvements». On attend toujours des mesures illustrant cette volonté. Hier, le ministère de l’Intérieur était aux abonnés absents sur ce sujet.

(1) Auteur des Sectes (Que sais-je, 2004) et Individus et pouvoirs face aux sectes (Armand Colin) en librairie demain.

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