{{FRANCE | Religion agréée aux Etats-Unis avec ses acteurs «secte-symboles», elle reste sous surveillance outre-Jura.}}

{{Tribune de Genève

JEAN-NOËL CUÉNOD PARIS}} | 27.10.2009

Après plus de quatre mois de délibérations, le Tribunal correctionnel de Paris a condamné, hier, la branche française de la scientologie ainsi que ses principaux dirigeants pour escroquerie en bande organisée et exercice illégal de la pharmacie. L’élégante présidente Sophie-Hélène Château a détaillé ce verdict qui punit d’une part, la secte et sa librairie en tant que personnes morales, et d’autre part, quatre de ses dirigeants. Ces derniers ont écopé, à titre individuel, de 1000 à 30 000 euros d’amende ainsi que de dix mois à deux ans de prison avec sursis.

{{Lourdes amendes}}

L’enjeu de ce jugement se rapporte principalement à la condamnation de l’Association spirituelle Eglise de scientologie et de la Scientologie Espace Librairie qui lui est liée. Le Tribunal parisien a décidé de viser deux des organes sensibles de la secte: le portefeuille et l’image.

En effet, l’Eglise devra débourser 400 000 euros (606 000 fr.) d’amende, et sa librairie 200 000 euros (303 000 francs). En outre, la secte publiera – à ses frais – le dispositif (résumé) du verdict dans les journaux les plus importants de France ainsi que dans Time Magazine et Herald Tribune. Ce texte la ­condamnant devra également figurer sur son site Internet pendant deux mois. L’un des avocats de la scientologie, Me Patrick Maisonneuve, a affirmé à la sortie de l’audience que l’Eglise et sa librairie ­contesteraient ce jugement auprès de la Cour d’appel de Paris. L’affaire n’est donc pas terminée. Cela dit, le verdict du Tribunal correctionnel semble fort bien motivé. Il sera malaisé d’y trouver une faille.

{{Acteurs «secte-symboles»}}

Même après l’incroyable cafouillage du parlement français – qui a aboli la dissolution des associations coupables d’escroquerie avant de la rétablir! – les juges parisiens auraient pu interdire les activités de la secte sur territoire français, comme le leur avait demandé le Parquet. Ils y ont renoncé pour ce motif principal: «Une interdiction d’exercer risquerait d’engendrer la continuation des activités en dehors de toute structure légale.» Les juges préfèrent donc que la secte demeure sous son regard plutôt que de se terrer dans la clandestinité. En France, la scientologie revendique 45 000 membres (8 millions dans le monde) et reste l’objet de la méfiance officielle. Contraste saisissant avec les Etats-Unis qui considèrent la scientologie comme une religion au même titre que d’autres. Une Eglise qui aime à exhiber ses acteurs «secte-symboles» comme Tom Cruise et John Travolta et à vanter ses succès commerciaux. En Europe, notamment en Allemagne et en France, ce mélange entre argent et spiritualité – entre Veau d’Or et Saint-Esprit – ne passe toujours pas!

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Hésitation suisse

Entre la rigueur française – partagée par l’Allemagne – et la libre entreprise religieuse américaine, la Suisse se situe entre les deux. Tout d’abord, l’arsenal légal antisecte helvétique est moins complet que celui du droit français. Ensuite, les relations entre la religion et l’Etat restent avant tout l’affaire des cantons. Ce qui explique peut-être les hésitations de nos tribunaux devant le fait scientologue, comme l’illustrent ces deux décisions. En 1999, le Tribunal fédéral avait reconnu que la secte pouvait se prévaloir de la liberté religieuse pour s’exprimer. Toutefois, un autre jugement, prononcé par le Tribunal cantonal vaudois, a considéré que la scientologie n’était pas une religion. Les juges lausannois ont relevé que «l’Eglise de scientologie paraît poursuivre des intérêts plus économiques que spirituels».

Dieu et l’argent.

Enfonçant le clou, les magistrats vaudois ont noté: «On ne discerne dans la scientologie aucun rapport de l’homme à Dieu. […] Les biens qu’elle offre n’ont rien de religieux.» Si certains de ses membres ont été l’objet de plaintes, voire de condamnations, son existence en tant qu’association n’a pas été remise en cause chez nous.

JNC

http://www.tdg.ch/actu/monde/justice-frappe-secte-scientologue-interdire-2009-10-27