«Non, je ne reviendrai pas. Je vous aime beaucoup mais je suis ici au nom de Dieu. Vous me rejoindrez au paradis. » A chacun de ses rares appels téléphoniques, Dyhia, 19 ans, reste inflexible aux suppliques de ses proches qui l’implorent de rentrer en France. Le 28 novembre, cette Grenobloise, originaire du quartier sensible de la Villeneuve, a brutalement quitté sa famille pour partir vers la Syrie. Selon ses dires, elle se trouve dans une maison de la ville d’Azzaz, à une trentaine de kilomètres d’Alep, en compagnie de plusieurs autres jeunes Françaises qui ont quitté l’Hexagone pour faire le jihad contre le régime de Bachar al-Assad.

Dans son appartement de Grenoble, la mère de Dyhia est inconsolable. Elle arpente en pleurant la chambre désormais vide de sa fille : « Je ne comprends pas pourquoi elle est partie là-bas, répète-elle dans un français approximatif. J’ai très peur pour elle, je crains de ne pas la revoir vivante. Je ne sais pas quoi faire pour la forcer à revenir. »

Zora*, une des sœurs de Dyhia, a réussi à la joindre sur son téléphone portable : « Elle est très malade. Elle a dû boire de l’eau qui n’était pas propre. Mais elle n’a pas les moyens de se soigner. Elle n’a pas grand-chose à manger. Elle dort mal. Elle ne sort pas beaucoup car elle ne parle même pas arabe. Elle m’a dit aussi qu’elle allait se marier avec un jeune combattant venu lui aussi de France. Il s’appelle Alexandre, n’a que 18 ans et s’est converti à l’islam. J’ai très peur qu’on pousse Dyhia à devenir une kamikaze. Car elle est très naïve. » La famille de la jeune fille, qui a alerté les autorités, craint aussi qu’elle ne serve d’objet sexuel pour les combattants.

D’origine algérienne, Dyhia, qui a cinq sœurs et un frère, est arrivée en France à l’âge de 5 ans, dans le cadre du regroupement familial, son père travaillant déjà à Grenoble. Elle a suivi une scolarité normale, jusqu’au lycée. En juin, elle a raté son bac pro des métiers du bâtiment. Elle souhaitait le repasser puis a tout laissé tomber en septembre.

« Nous ne sommes pas pratiquants dans la famille. Nous faisons juste le ramadan. Pourtant, Dyhia a basculé dans l’intégrisme » confie Zora. A l’âge de 14 ans, la jeune fille rencontre un adolescent de l’agglomération grenobloise qui devient son petit ami. « En grandissant, il est rentré dans l’islam radical, poursuit Zora. En 2011, il a demandé à Dyhia de porter le voile. Mes parents se sont opposés à leur mariage. Depuis un an, Dyhia se rendait souvent à la mosquée de la Villeneuve. Puis en août, elle s’est mise à porter le niqab. Cela a horrifié toute la famille. Mon père est entré dans une colère folle. Enfermée dans sa chambre, ma sœur passait tout son temps sur des sites internet consacrés au jihad, à la guerre en Syrie. Toujours surle Web, elle a fait la connaissance d’un Tunisien vivant à Paris. Elle a dit qu’ils allaient se marier. Il y a des personnes qui ont influencé Dyhia. Ils lui ont changé son cerveau » affirme Zora.

En novembre, Dyhia explique à ses parents qu’elle va vivre pendant une semaine chez une copine, dans un quartier voisin. Elle part en fait pour Toulouse (Haute-Garonne) rejoindre une jeune Marocaine de 19 ans qu’elle a connue sur Internet. Toutes deux prennent un avion pour Istanbul en Turquie. Et gagnent ensuite la Syrie. « Elle a vendu ses bijoux et son ex-petit copain lui a donné 500 € pour partir », affirme la mère de Dyhia. Zora, elle, envisage de partir en Syrie : « Il faut que je la voie pour la persuader de rentrer. Elle n’a que 19 ans. Sa vie, ce n’est pas la Syrie. Cette cause n’est pas la sienne. On souffre chaque minute, chaque seconde de la savoir là-bas. »

* Le prénom a été changé.

source : LE PARISIEN