LE MONDE | Article paru dans l’édition du 10.07.09

Il ne faudra plus leur parler de burqa ou de niqab, mais de “voile intégral”. Dans les prochains mois, il ne faudra pas non plus leur parler de loi d’interdiction. “Le problème n’est pas de décider a priori s’il faut légiférer ou pas. L’objectif est de réaliser un état des lieux sur le port du voile intégral”, a précisé André Gerin, député communiste et président de la mission d’information, en ouvrant, mercredi 8 juillet, la première séance de travail de ce groupe de 32 députés, qui remettra ses “préconisations en janvier 2010”.

L’avertissement de M. Gerin constituait une réponse à Jean-François Copé, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui, le matin même, avant toute discussion, s’était prononcé pour “une loi après une phase de dialogue”. “Il a voulu donner la ligne, mais ce ne sont pas des manières”, a reconnu un député UMP de la mission. “C’est une forme de mépris pour la mission”, a renchéri Jean Glavany (PS, Hautes-Pyrénées).

“STIGMATISER L’ISLAM”

Les députés ont auditionné l’anthropologue des religions Dounia Bouzar et le philosophe Abdennour Bidar. Convaincue que le courant salafiste, auquel se rattache une grande partie des femmes portant le voile intégral, correspond à une dérive sectaire, Mme Bouzar a présenté aux députés la manière dont ces groupes “font autorité sur les jeunes”. “Les gourous prédicateurs leur font miroiter l’idée de la toute-puissance en leur expliquant qu’ils sont les élus de Dieu. Ils les arrachent à leur environnement : famille, éducateurs, imams, patrons.” Elle a aussi averti du risque de présenter le voile intégral comme un “problème musulman” mettant en cause la “laïcité”. “Si la société pose le débat ainsi, ce sera dramatique car cela va stigmatiser l’islam et augmenter les discriminations. Les musulmans se sentiront obligés de défendre le niqab comme un symbole de l’islam”, a-t-elle ajouté. Aujourd’hui, la plupart des musulmans de France ne le cautionnent pas.

Alors que M. Gerin a proposé de relier le sujet du voile intégral à “la question de la femme dans la société”, l’anthropologue, “musulmane et féministe”, a mis en garde contre cette approche et a proposé de se placer sur le terrain “sécuritaire”. “A un moment, il faut que la loi dise stop à ces jeunes, pour qui la loi c’est Dieu”, a expliqué Mme Bouzar. “Si c’est un problème sectaire, pourquoi ne pas se rapprocher de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) ?”, s’est interrogé Jean-Paul Garraud (UMP, Gironde).

M. Bidar, de son côté, a invité les députés à ne pas “rester dans le marécage” des justifications avancées par les salafistes (souci d’orthodoxie, autoprotection…). Elles constituent à ses yeux “un radicalisme religieux qui veut piéger la République sur ses propres valeurs” – notamment la liberté de conscience. Ses propos ont suscité l’approbation des députés. Assez peu convaincant sur la nature des “influences étrangères” qu’il faut chercher derrière ces pratiques, il a assuré, à l’inverse de Mme Bouzar : “Comme le hooliganisme concerne le foot, la burqa concerne l’islam.”

Les députés rencontreront le 15 juillet des maires et des associations féminines, puis, en septembre, des représentants musulmans, des spécialistes de la laïcité, des banlieues et de l’islam.

Stéphanie Le Bars

http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/07/09/la-mission-sur-la-burqa-dit-s-orienter-vers-un-etat-des-lieux-plutot-que-vers-une-loi_1217126_3224.html