Du 17 au 24 octobre, plus de 4000 représentants évangéliques venus du monde entier se sont réunis à Cape Town, en Afrique du Sud. Un choix géographique loin d’être anodin, puisque le continent noir connaît une explosion du nombre d’adeptes de ces nouvelles mouvances du protestantisme.

“Ce congrès donnera de l’élan à l’Eglise africaine et l’encouragera à prendre sa place dans la mission mondiale du XXIe siècle”. Michael Cassidy, membre du Conseil consultatif de Cape Town 2010, a présenté sans équivoque les raisons du choix de cette ville sud-africaine pour accueillir le troisième Congrès international de l’évangélisation mondiale de Lausanne. “Le choix de Cape Town a une signification historique puisque William Carey, le père des missions modernes, souhaitait y organiser une conférence missionnaire internationale en 1810”, explique l’organisation.
Plus d’1,1 million de pratiquants en Ouganda

William Carey avait sans doute pressenti l’influence considérable que gagneraient ces Eglises sur le continent noir au XXIe siècle. Et en premier lieu le pentecôtisme, une mouvance du protestantisme, qui trouve en terre africaine des populations réceptives à ses messages.

Symptomatique de ce phénomène, l’explosion du nombre d’adeptes, notamment dans les pays anglophones du centre et du sud du continent. En Ouganda, où 4,6% de la population s’en réclament, soit plus d’1,1 million de personnes, le recensement de 2002 a même introduit une nouvelle catégorie religieuse en leur honneur.
Une nébuleuse de plus en plus active

François-Georges Dreyfus, professeur d’études européennes à l’Université Paris-IV (Sorbonne) et ancien directeur de l’Institut d’études politiques de Strasbourg, tente d’établir, dans la revue Géostratégiques d’octobre 2009, la proportion des évangéliques dans les pays africains. Selon lui, les adeptes représenteraient jusqu’à 30% de la population du Ghana et 20% de celles de l’Angola et de la Zambie.

“C’est une nébuleuse : de nombreux pays sont touchés par l’expansion de ces Eglises, même si les pays catholiques résistent mieux que les protestants”, estime Philippe Denis, professeur d’histoire du christianisme à l’université KwaZulu-Natal, à Pietermaritzburg, en Afrique du Sud. Ce dernier tient à marquer la distinction entre évangéliques et pentecôtistes, un mouvement de “dissidence des grandes Eglises protestantes”. C’est cette dernière branche, comparable au mouvement catholique charismatique, qu’il considère comme étant de plus en plus active sur le continent noir.
“Si vous faîtes de bonnes actions, Dieu vous aidera”

Selon l’historien, la récente influence des Eglises pentecôtistes, qu’il fait remonter à une trentaine d’années, répond au phénomène d’urbanisation rapide de l’Afrique. En Afrique du Sud par exemple, le nombre d’urbains est désormais équivalent à celui des ruraux. Les Eglises pentecôtistes trouvent toute leur place dans cette nouvelle configuration. “Modernes”, elles s’adressent tout particulièrement aux jeunes. En plus des temps de prière, groupes de discussion et repas communs rythment la vie quotidienne et attirent les classes moyennes en recherche de lien social.

En réponse à la rigidité des Eglises traditionnelles, trop institutionnalistes, les pentecôtistes laissent une large place à l’expression, au chant, à la danse, à la participation active (les témoignages revêtent une importance particulière dans les cultes). Autant d’aspects qui correspondent aux attentes des populations africaines, attirées par les promesses de solutions rapides face aux difficultés du quotidien : “Si vous faîtes de bonnes actions, Dieu vous aidera : c’est ainsi que l’on peut résumer leur théorie”, explique Philippe Denis.
Promesses de guérison et pandémie du sida

Améliorer sa situation financière avec l’aide de Dieu et des autres fidèles, mais aussi résoudre des problèmes plus graves, comme la maladie. Dans un pays ravagé par la pandémie du sida, Philippe Denis regrette que les Eglises pentecôtistes surfent sur la vague par “malhonnêteté intellectuelle”. “En Afrique, le religieux n’est pas distinct du médical, et les pentecôtistes jouent là-dessus. Les promesses de guérison aux séropositifs sont fréquentes.”

Pour autant, l’historien tient à relativiser la critique la plus acerbe adressée à ces Eglises, celle de cantonner les populations à un certain fatalisme : “Ce n’est pas si simple. Cette accusation, très virulente lors de l’appartheid en Afrique du Sud, n’est pas entièrement justifiée. Les pentecôtistes jouent parfois un rôle très utile auprès des malades du sida. De plus, lorsqu’on voit comment les dignitaires de ces Eglises jouent sur le ‘capitalisme africain’, autrement dit, la corruption dans les milieux politiques, on ne peut pas vraiment parler de fatalisme. Ils agissent pour améliorer leurs conditions matérielles, même si ce ne sont pas tous des champions de l’éthique.”

Camille Dubruelh – publié le 25/10/2010

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