LA DEPECHE : 11/02/2010

Recueilli par B. Davodeau

Religion. La Cour de cassation vient de donner raison à une ancienne moniale que l’association de La Croix glorieuse employait sans contrat de travail.

{{Dans quelles circonstances êtes-vous entrée à La Croix glorieuse ?}}

J’avais 20 ans et j’ai été attirée par la musique dynamique qui était jouée à l’église. Ils m’ont d’abord invitée à jouer avec eux puis à intégrer un groupe de jeunes. Ils ont toute une technique pour attirer les jeunes ainsi que des couples en général assez aisés.

{{Que s’est-il passé ensuite ?}}

Je suis entrée dans la communauté de Perpignan. Je venais de réussir le concours d’entrée à l’école d’infirmière. Je pensais qu’en devenant sœur, ce métier pourrait être utile. Mais ils m’ont dit que ça ne servirait à rien. J’ai donc démissionné et je me suis consacrée aux travaux d’imprimerie, de secrétariat, de garde d’enfant à domicile, de cuisine et de ménage que l’on me donnait à faire.

{{Vous avez prononcé vos vœux sans vous méfier ?}}

J’avais 20 ans. Quand on est jeune on ne fait pas attention. Ils nous font croire que c’était de vrais vœux alors que c’est faux car ce n’est pas une vraie congrégation.

{{Qu’est-ce qui vous a incité à partir ?}}

Un prêtre de la communauté de Perpignan a quitté La Croix glorieuse en envoyant un courrier à tout le monde dans lequel il dénonçait les dérives de la communauté. ça a provoqué un grand nombre de départs dont le mien et la fermeture de trois des cinq communautés qui existaient alors.

{{Vous êtes partie sans difficulté ?}}

Non, je m’y suis reprise à deux fois. Dès 1997 je voulais partir mais ils m’ont dit de ne pas le faire. Ils m’ont expliqué que si je voulais partir, c’est que j’étais possédée par le diable. On a donc fait une prière de délivrance et je suis restée. La seconde fois, le prêtre de la communauté m’a enfermée toute une journée pour que je réfléchisse. Finalement, je m’y suis préparée pendant un mois avec une amie. Nous avions donné nos clés à des paroissiens de l’Immaculée Conception qui ont récupéré nos affaires et nous nous sommes échappées durant la nuit.

{{Vous avez évoqué des prières de délivrance. Comment se passaient les offices ?}}

C’était très bizarre. Trois fois par semaine, on était obligées de s’asseoir en cercle et de demander pardon aux autres. Il y avait aussi les jeûnes du vendredi, même pour les enfants de la communauté qui n’avaient droit qu’à un bol de riz et un dessert, les impositions des mains et les prières « en langue », durant lesquelles ils formulent des sons incompréhensibles.

{{Aujourd’hui vous en être sortie.}}

Oui je suis mariée et mère de famille. J’ai repris et terminé mes études d’infirmière mais j’en rêve encore la nuit.

(1) Le prénom a été changé.

{{Le rappel des faits}}

A 20 ans Martine (1) intègre la communauté de La Croix glorieuse et devient sœur Marie. Après avoir prononcé ses vœux en 2001, elle quitte la maison mère de Perpignan pour intégrer la communauté toulousaine de La Croix glorieuse qui a la charge de la paroisse de l’Immaculée conception située faubourg Bonnefoy. Elle doit alors abandonner ses études pour se consacrer au travail que lui impose la communauté qu’elle finit par quitter en novembre 2002. S’ensuit plusieurs années de procédure devant le conseil des prud’hommes et laCour d’appel jusqu’à ce que la cour de cassation reconnaisse le 8 février dernier qu’elle était employée abusivement.

——————————————————————————–

{{Jusqu’où peut-on contourner le droit ?}}

Dans son arrêt, la Cour de cassation a conclu que l’association La Croix glorieuse qui est l’identité juridique de la communauté de La Croix glorieuse n’est ni une association cultuelle, ni une congrégation légalement établie, et qu’elle ne peut donc pas employer des gens sans contrat de travail sous le simple prétexte qu’ils ont prononcé des vœux. Pour Me Mourad Brihi, l’avocat de Martine et pour Me Hélène Masse-Dessen qui l’a défendue devant la Cour de cassation, cet arrêt est très important car il pose la question suivante : « Où s’arrête la possibilité de contourner les lois sociales sous couvert de religion pour une structure qui n’est ni une congrégation, ni une association cultuelle ? Si ces limites ne sont pas posées, n’importe quelle secte peut employer n’importe qui en toute impunité. »

Contacté par téléphone afin de s’exprimer sur cet arrêt de la Cour de cassation et sur le témoignage de l’ex-sœur Marie, Christophe Lembrez, médiateur de la communauté de La Croix glorieuse, a refusé de s’exprimer.