C’est en santé que les dérives sectaires sont les plus fortes, avec 46% des signalements dans ce domaine, alerte le rapport de la mission ministérielle Miviludes. Des thérapies alternatives dont la demande est nourrie par une défiance croissante dont la vaccination est l’emblème.

Dérives sectaires

Séance de Reiki.

Alix Minde / AltoPress / PhotoAlto

La question des dérives sectaires dans le domaine de la santé et du bien-être représente près de la moitié des signalements auprès de l’instance gouvernementale Miviludes, selon son rapport 2016-2017 remis jeudi 22 mars 2018 à Matignon.

Les dérives sectaires dans la santé sont la première source de signalements

Le domaine de la santé et du bien-être renforce encore sa prééminence avec 46% des dossiers attribués aux conseillers en 2016 contre 40% en 2014. “Plus de 40% concernent le développement d’offres trompeuses dans le domaine de la santé et du bien-être ainsi que d’abus par des psychothérapeutes déviants”. “Ces phénomènes trouvent un écho amplifié sur les réseaux sociaux et sur internet“, explique à l’AFP le président de la Miviludes, Serge Blisko. “Les grands sujets de préoccupation actuels, de l’environnement jusqu’à la crise des réfugiés, sont utilisés pour attirer de nouvelles recrues“, est-il expliqué dans le rapport. Les “leaders qui cherchent à exercer une emprise sur leurs adeptes” jouent ainsi sur un engouement général pour les thérapies ou pédagogies “alternatives“, les “méthodes de développement personnel“, ou encore les “pseudo-psychothérapies“. “Beaucoup de pseudo thérapeutes n’hésitent pas à afficher (…) des médailles et des diplômes“, est-il expliqué dans le rapport. Ces personnes créent de toute pièce “un environnement institutionnel avec des fédérations destinées à faire oublier que ces pratiques ne sont pas reconnues par les Autorités sanitaires et qu’ils interviennent en dehors de tout cadre légal“. Ce sont ainsi 652 interrogations sur 2.323 enregistrées par le Miviludes qui concernaient des “thérapies alternatives“, “approches exclusivement psychologiques” et le domaine du psychospirituel.

Le reiki et la kinésiologie : les deux méthodes de soin jugées “particulièrement inquiétantes

Le rapport donne un coup de projecteur sur deux méthodes de soins qui semblent “particulièrement inquiétantes” : le reiki, technique japonaise de “guérison” par imposition des mains, et la kinésiologie, discipline “psycho-corporelle” inspirée par la médecine chinoise. Ces techniques “connaissent un développement sans précédent en France, alors qu’elles sont porteuses de risques et non éprouvées“, alerte la Miviludes. Au rayon bien-être, le rapport attire l’attention sur la hausse de fréquentation des salons “bio-zen“, où sont présentés notamment des stages “jeûnes et randonnées” qui “peuvent s’avérer dangereux pour des personnes porteuses de pathologies ou de fragilités“. Sans parler des “régimes alimentaires extrêmes” comme le “crudivorisme“, qui proscrit toute cuisson des aliments, et le “respirianisme” affirmant que l’être humain peut se nourrir d’air et de lumière… “Le public (…) est séduit par l’argument de la solution alternative et “naturelle” loin du système de soin institutionnel et de l’industrie, sans être conscient ou voulant ignorer qu’il existe aussi dans les propositions dites alternatives une logique commerciale“, explique le rapport.

La vaccination, emblématique de la défiance ambiante faisant le lit des pseudo-thérapies

Au-delà du risque sectaire, il y a bien un enjeu de santé publique, rappelle le rapport. Car si vouloir adopter un mode de vie plus sain “peut avoir des effets positifs”, en revanche “la défiance et le dénigrement de la science médicale” peut avoir des effets néfastes sur la santé publique, “comme le montre la question de la vaccination”. Ainsi, le rapport met en lumière, dans l’étude d’une chercheuse, une troublante corrélation entre la diffusion géographique des premiers foyers de rougeole de l’épidémie de 2008-2012 et l’implantation des établissements de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), mouvement catholique intégriste, en faisant l’hypothèse d’une couverture vaccinale insuffisante dans la communauté. Selon Miviludes, la vaccination “est emblématique du discours de défiance à l’encontre du système de santé publique qui  alimente la demande et le développement des thérapies alternatives”.

  source “science et avenir du 22 mars 2018 par Camille Gaubert